À Joséphine Baker, Emmanuel Macron reconnaissant
En mai 1928, l’essayiste et philosophe Jane Nardal écrivait à propos de Joséphine Baker ces quelques lignes amères : « Mais, en fait, cette fascination pour tout ce qui est “africain” est une insulte aux Noirs de tous les milieux culturels et nationaux car elle affirme naïvement l’uniformité de tous les Noirs partout dans le monde[1]. » Cette remarque, plus d’un siècle après sa publication, ne pourrait être plus actuelle. En 1928, Jane Nardal critiquait la fonction d’« attrape-tout » de Joséphine Baker, qui tout en étant américaine de naissance, jouait avec les codes coloniaux en vigueur à l’époque pour plaire au Tout-Paris mondain.
Fin novembre 2021, à la veille de la panthéonisation de la première star noire internationale, Joséphine Baker reste une figure « attrape-tout », en qui chacun est supposé pouvoir se reconnaître. Cette affirmation erronée de « l’uniformité de tous les Noirs partout dans le monde » n’est pas sans rappeler le terme phare de la couverture médiatique de l’annonce de la panthéonisation : l’universalisme. Joséphine Baker est majoritairement dépeinte dans la presse écrite comme une figure universelle, symbole de l’universalisme français par opposition à la ségrégation qui divise le pays de l’oncle Sam.

Brian Bouillon, l’un des douze enfants adoptés par la star, a intitulé la biographie qu’il dédie à sa mère, parue en novembre de cette année, Joséphine Baker, L’universelle, reprenant lui aussi à son compte ce terme qui semble être le seul à même de définir l’artiste[2]. Pourtant, qui représente réellement Joséphine Baker ? Qui est-elle censée inspirer, elle qui rejoint aujourd’hui le tombeau des « Grands Hommes » ? À quelles mémoires blessées est-elle supposée apporter une réparation symbolique par son entrée au Panthéon ?
Ces interrogations sont d’autant plus légitimes que Joséphine Baker n’était pas la seule femme racisée que le président de la République pouvait décider de panthéoniser, si telle était sa motivation et son critère. L