Politique

À Joséphine Baker, Emmanuel Macron reconnaissant

Étudiante, Étudiante, Étudiant

Ce mardi, Joséphine Baker entre au Panthéon. Depuis l’annonce de cet hommage, le 22 août dernier, la presse ne tarit pas de commentaires sur les différentes facettes qui font d’elle l’indubitable « Grande Femme » à laquelle la nation adresse aujourd’hui sa reconnaissance. Mais derrière la construction médiatique d’une figure universelle se dissimule une stratégie politique qui vise à présenter la France comme une terre d’accueil et de tolérance pour mieux dissimuler les tensions autour du racisme et des discriminations qui en découlent.

En mai 1928, l’essayiste et philosophe Jane Nardal écrivait à propos de Joséphine Baker ces quelques lignes amères : « Mais, en fait, cette fascination pour tout ce qui est “africain” est une insulte aux Noirs de tous les milieux culturels et nationaux car elle affirme naïvement l’uniformité de tous les Noirs partout dans le monde[1]. » Cette remarque, plus d’un siècle après sa publication, ne pourrait être plus actuelle. En 1928, Jane Nardal critiquait la fonction d’« attrape-tout » de Joséphine Baker, qui tout en étant américaine de naissance, jouait avec les codes coloniaux en vigueur à l’époque pour plaire au Tout-Paris mondain.

Fin novembre 2021, à la veille de la panthéonisation de la première star noire internationale, Joséphine Baker reste une figure « attrape-tout », en qui chacun est supposé pouvoir se reconnaître. Cette affirmation erronée de « l’uniformité de tous les Noirs partout dans le monde » n’est pas sans rappeler le terme phare de la couverture médiatique de l’annonce de la panthéonisation : l’universalisme. Joséphine Baker est majoritairement dépeinte dans la presse écrite comme une figure universelle, symbole de l’universalisme français par opposition à la ségrégation qui divise le pays de l’oncle Sam.

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Brian Bouillon, l’un des douze enfants adoptés par la star, a intitulé la biographie qu’il dédie à sa mère, parue en novembre de cette année, Joséphine Baker, L’universelle, reprenant lui aussi à son compte ce terme qui semble être le seul à même de définir l’artiste[2]. Pourtant, qui représente réellement Joséphine Baker ? Qui est-elle censée inspirer, elle qui rejoint aujourd’hui le tombeau des « Grands Hommes » ? À quelles mémoires blessées est-elle supposée apporter une réparation symbolique par son entrée au Panthéon ?

Ces interrogations sont d’autant plus légitimes que Joséphine Baker n’était pas la seule femme racisée que le président de la République pouvait décider de panthéoniser, si telle était sa motivation et son critère. L


[1] Propos de l’essayiste et philosophe Jane Nardal dans La Dépêche Africaine de mai 1928.

[2] Brian Bouillon, Joséphine Baker, l’universelle, Paris, Les éditions du rocher, 2021, 234 p.

[3] Vanessa Codaccioni, « (Dé)Politisation du genre et des questions sexuelles dans un procès politique en contexte colonial : le viol, le procès et l’affaire Djamila Boupacha (1960-1962) », Nouvelles Questions féministes, vol. 29, n° 1,‎ 2010, p. 32.

[4] Mustapha Kessous, « Le dialogue inédit entre Emmanuel Macron et les “petits-enfants” de la guerre d’Algérie », Le Monde, 2 octobre 2021.

[5] Eric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, 272 p.

[6] Nous soulignons.

[7] Élysée, 23 août 2021 , « Panthéonisation de Joséphine Baker ».

[8] Élysée, 23 août 2021 , « Panthéonisation de Joséphine Baker ».

[9] François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003, 272 p.

[10] Nous soulignons.

[11] Dépêche AFP 23 août 2021.

[12] Marie Canet, Baker, Paris, Éditions François Bourin, 2020, p. 97.

[13] « Joséphine Baker », Initiales, n°13, mai 2019.

[14] Marie Canet, Baker, Paris, Éditions François Bourin, 2020, 108 p.

[15] Elvan Zabunyan « À contre-pied, Joséphine Baker et la marche vers Washington, août 1963 », Initiales, n°13, mai 2019, p. 67.

[16] Marie Canet, op. cit., p. 68.

[17] Patrick Garcia, « Transferts au Panthéon : actualité d’un rituel daté », Esprit, mai 2015, pp. 17-27.

[18] Intervention de Tracy Denean Sharpley-Whiting, universitaire féministe à Vanderbilt University, dans « Joséphine Baker – Première icône noire », documentaire d’Ilana Navaro (France, 2017, 53mn), à 38:50 mn.

Mathilde Bavouzet

Étudiante, Sciences Po Paris et Sorbonne Université (Paris IV)

Sérène Nourrisson

Étudiante, Sciences Po Paris et Sorbonne Université (Paris IV)

Edgar Paysant

Étudiant, Sciences Po Paris et l’Université Hébraïque de Jérusalem

Mots-clés

Mémoire

Notes

[1] Propos de l’essayiste et philosophe Jane Nardal dans La Dépêche Africaine de mai 1928.

[2] Brian Bouillon, Joséphine Baker, l’universelle, Paris, Les éditions du rocher, 2021, 234 p.

[3] Vanessa Codaccioni, « (Dé)Politisation du genre et des questions sexuelles dans un procès politique en contexte colonial : le viol, le procès et l’affaire Djamila Boupacha (1960-1962) », Nouvelles Questions féministes, vol. 29, n° 1,‎ 2010, p. 32.

[4] Mustapha Kessous, « Le dialogue inédit entre Emmanuel Macron et les “petits-enfants” de la guerre d’Algérie », Le Monde, 2 octobre 2021.

[5] Eric Conan et Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Fayard, 1994, 272 p.

[6] Nous soulignons.

[7] Élysée, 23 août 2021 , « Panthéonisation de Joséphine Baker ».

[8] Élysée, 23 août 2021 , « Panthéonisation de Joséphine Baker ».

[9] François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003, 272 p.

[10] Nous soulignons.

[11] Dépêche AFP 23 août 2021.

[12] Marie Canet, Baker, Paris, Éditions François Bourin, 2020, p. 97.

[13] « Joséphine Baker », Initiales, n°13, mai 2019.

[14] Marie Canet, Baker, Paris, Éditions François Bourin, 2020, 108 p.

[15] Elvan Zabunyan « À contre-pied, Joséphine Baker et la marche vers Washington, août 1963 », Initiales, n°13, mai 2019, p. 67.

[16] Marie Canet, op. cit., p. 68.

[17] Patrick Garcia, « Transferts au Panthéon : actualité d’un rituel daté », Esprit, mai 2015, pp. 17-27.

[18] Intervention de Tracy Denean Sharpley-Whiting, universitaire féministe à Vanderbilt University, dans « Joséphine Baker – Première icône noire », documentaire d’Ilana Navaro (France, 2017, 53mn), à 38:50 mn.