Du grain de sable à la mégamachine
En 2013, un documentaire de Denis Delestrac éloquemment intitulé « Le sable : enquête sur une disparition » révélait au grand public, en battant au passage un record d’audience pour la chaîne ARTE, une tendance pour le moins surprenante : celle de l’épuisement d’un matériau spontanément considéré comme inépuisable. Au fil d’une démonstration nourrie d’exemples édifiants, le film nous mettait face à ce fait troublant, sinon accompli : au rythme où vont les choses, la surconsommation de sable (environ 50 milliards de tonnes exploités par an, selon l’estimation officielle) est telle que, contre toute attente, nous risquons d’en manquer, et ce, bien plus rapidement qu’on ne pouvait s’y attendre tout récemment encore.

On s’étonne de ne trouver nulle part mention de ce film remarqué et primé, rebaptisé (en contribuant à faire de l’expression un poncif médiatique) Sand Wars dans le monde anglophone, dans le livre de Vince Beiser, The World in a Grain, alors même que son auteur s’efforce d’examiner le sujet sous toutes les coutures, à partir de sources variées. Le journaliste est forcément tombé dessus à un moment ou un autre de ses recherches, ne serait-ce que parce qu’il cite à plusieurs reprises un document clé, rédigé par l’universitaire suisse Pascal Peduzzi pour le compte du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), « Sand, rarer than one thinks », dont le déclencheur était expressément – non sans surprise – le documentaire de Denis Delestrac. Ce n’est d’ailleurs pas le seul manque du livre, en dépit de son réel intérêt et de son caractère quasi incontournable pour quiconque s’intéresse au sujet.
Cette histoire du sable (comme l’indique le sous-titre, « The Story of Sand and How It Transformes Civilization ») n’est pas sans mérites, loin de là. Finaliste dans la course à deux prix, flatteusement accueilli par la critique, le livre de Vince Beiser fait montre d’un indubitable savoir-faire, pour ainsi dire « à l’américaine », qu’annonçaient déjà