La lumière noire – sur Muhammad Ali de Ken Burns, Sarah Burns et David McMahon
«Quelle que soit la sanction ou la persécution, je défends mes convictions, quitte à me retrouver face à la mitrailleuse. » Printemps 1967. Muhammad Ali a vingt-cinq ans et il vient de refuser son incorporation dans l’armée américaine pour aller combattre au Vietnam. Le jeune homme se tient droit et fier face aux caméras et pour une fois il fait preuve d’un calme olympien dans son élocution : « Pourquoi moi et les autres Noirs devrions-nous nous retrouver à 16 000 kilomètres de chez nous pour tirer des balles sur d’autres innocents à la peau foncée qui ne nous ont rien fait ? (…) Aucun Vietcong ne m’a jamais traité de nègre. »

Si une marche contre la guerre a rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants à New York, il faut avoir à l’esprit que la majorité des Américains soutiennent toujours l’intervention militaire et que toute critique de l’action des États-Unis au Vietnam est considérée comme une trahison politique, surtout lorsque celle-ci émane d’Afro-Américains. Mais Ali ne craint ni d’être déchu de ses titres, ni de perdre sa licence, ni d’aller en prison, il assume et se déclare même « prêt à mourir ». « Je sentais chez lui le désir de porter le fardeau des Noirs Américains qui étaient tous confrontés au racisme », rapporte le basketteur légendaire Kareem Abdul-Jabbar. Malcom X a été assassiné deux ans auparavant et Martin Luther King est menacé : ce n’est surtout pas le moment de mettre un genou à terre.
Voilà Ali résumé. Il est bien plus que le sportif du XXe siècle consacré par le magazine Sports Illustrated, bien plus que « la plus parfaite incarnation de l’esprit du XXe siècle » selon la formule célèbre de l’écrivain Norman Mailer, il est à lui seul une histoire de l’Amérique. Clint Eastwood aurait pu s’en emparer mais ce n’est pas cette Amérique-là dont le réalisateur de Million Dollar Baby a choisi de faire le récit. À l’inverse de Ken Burns, qui, depuis quarante ans, raconte les États-Unis comme un anthropologue, la profession d