Politique

La tortue, le trou de souris et Sisyphe : Mélenchon et l’élection présidentielle

Politiste

Candidat de gauche parmi d’autres au début de la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a réalisé dimanche le meilleur score électoral d’une gauche de rupture sous la Cinquième République. Mais il faut garder à l’esprit que, comme la fois précédente, le tribun a bénéficié d’un très important report de voix des autres électorats de gauche, sous l’effet du « vote utile ». Désormais détentrice d’un important capital électoral et politique, La France insoumise se montrera-t-elle capable de ne pas réitérer l’erreur de 2017 en le dilapidant à l’approche des législatives ?

Jean-Luc Mélenchon vient de réitérer, en l’amplifiant, la prouesse électorale de 2017, en captant, au finish, le vote utile d’une large partie de l’électorat de gauche… sans parvenir à nouveau, de peu, à se qualifier pour le second tour (il lui manque 420 000 voix). Dilapidera-t-il de la même manière son capital électoral et politique ? À l’entendre dimanche soir, tout se passe comme si Jean-Luc Mélenchon était propriétaire des voix qui se sont portées sur lui alors qu’il a mobilisé un agrégat composite de votes de conviction et de votes « efficaces ». Jean-Luc Mélenchon refuse l’union de la gauche classique mais son score dépend toujours dans une large mesure d’elle à la faveur de la mobilisation exceptionnelle que constitue l’élection présidentielle. Dimanche soir, à la fois fier et déçu par sa non-qualification, Jean-Luc Mélenchon a invité ses partisans à imiter Sisyphe en remontant la pierre tombée au fond du ravin. L’Union populaire peut-elle être le creuset d’un rassemblement et d’une reconstruction de la gauche ? Sur quelles bases ? Le scénario de 2017 est-il condamné à se reproduire ?

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Le précédent de 2017

Il faut revenir sur la campagne de 2017. La France insoumise (LFI) est devenue alors la force politique centrale à gauche en captant plus de 7 millions de voix (19,5 % des voix) et en aspirant l’électorat écologiste et socialiste. Jean-Luc Mélenchon a su alors fédérer la gauche en canalisant le vote utile tout en prenant ses distances avec le clivage gauche-droite dans une approche « populiste ». La campagne en 2017 est très différente de celle de 2012. On n’y voit ni sigle, ni code qui rattacherait symboliquement le candidat à la gauche historique. La couleur rouge, par exemple, ne se retrouve que dans le discret logo « phi » qui orne ses affiches et ses tracts, ou jouxte le bleu et le blanc des drapeaux français massivement présents lors des rassemblements d’« insoumis ».

Au final, les électeurs de gauche font l’unité derrière le candidat. Mais


[1] Enquête du CEVIPOF, 2017.

[2] Lefebvre Rémi, « Que sont devenus les partis-mouvements ? La France insoumise et La République en marche depuis 2017 », Esprit, 2022/1-2 (N° 481-482),

[3] Manuel Cervera-Marzal, « Mélenchon et l’appel du pied aux « fâchés pas fachos » », AOC, octobre. 2021

Rémi Lefebvre

Politiste, Professeur à l'Université de Lille 2

Notes

[1] Enquête du CEVIPOF, 2017.

[2] Lefebvre Rémi, « Que sont devenus les partis-mouvements ? La France insoumise et La République en marche depuis 2017 », Esprit, 2022/1-2 (N° 481-482),

[3] Manuel Cervera-Marzal, « Mélenchon et l’appel du pied aux « fâchés pas fachos » », AOC, octobre. 2021