Politique

La social-démocratie en « phase critique »

Politiste

La social-démocratie traverse un moment de crise qui met en jeu son statut voire son existence. Mais il s’agit aussi d’un moment d’opportunités, propice à des projets de réinvention contradictoires et donc rivaux. De tels moments sont historiquement rares, mais décisifs pour la trajectoire future de cette famille de partis.

Le terme de « crise » est sans doute insuffisant pour capturer la complexité et l’importance du moment traversé par la social-démocratie. Celle-ci est à l’évidence confrontée à des difficultés et des échecs graves, mettant en cause son statut de grande force d’alternance à l’échelle du Vieux continent. Son déclin est cependant résistible, et entraîne des réponses beaucoup plus variées que durant la dernière période « sociale-libérale ». Plus qu’à un affaissement général, on assiste à une conflictualité historiquement rare entre différents projets de réinvention, à l’intérieur des partis et entre les membres de la famille sociale-démocrate.

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Pour appréhender l’originalité et le caractère décisif de ce moment, il faut se rappeler que les partis politiques sont des entités vivantes. Loin d’être prisonniers de leurs caractéristiques de naissance, ils se révèlent capables d’adaptation face à un environnement changeant. Sans cette plasticité, plus ou moins prononcée selon les cas, on ne comprendrait pas que certains partis aient préservé leurs positions, alors même que disparaissaient les conditions qui avaient présidé à leur émergence ou à leur apogée. En Europe du Nord ou en Suisse, par exemple, certaines formations héritières des partis agrariens ont conservé une grande importance, en dépit du drastique déclin numérique subi par la paysannerie.

La social-démocratie, en tant que famille de partis née à la fin du XIXe siècle, dans le sillage du mouvement ouvrier et en plein développement du capitalisme industriel, constitue pour le coup un autre exemple fascinant de résilience. Pourtant, son déclin terminal a été annoncé maintes fois au cours de son histoire, quasiment dès le début du siècle dernier. Ce miracle apparent ne s’explique que par le fait que les partis sociaux-démocrates ont su redéfinir à plusieurs reprises le projet qu’ils portaient, l’identité des groupes qui leur apportaient des suffrages, ainsi que leur mode d’organisation et d’inscription dans


Fabien Escalona

Politiste, Journaliste à Mediapart