Écologie

« Méga-bassines » : aux sources d’un conflit pour l’eau

Juriste

La sécheresse précoce cette année alimente un conflit déjà ancien autour des « méga-bassines », et ce sont deux grands courants qui s’affrontent à l’intérieur du concept de durabilité de l’agriculture. L’un pense en termes de substitution, c’est-à-dire de remplacement d’une pratique nuisible par une autre qui l’est moins. L’autre prône la reconception, autrement dit le changement global de l’agrosystème. Mais les réflexions sur la gestion de la ressource en eau, trop figées dans le présent, ont du mal à se projeter dans un futur climatique inédit et à saisir la nature des véritables enjeux.

Avec la lumière et le sol, l’eau est la principale ressource des plantes. L’agriculture dépend ainsi, pour sa croissance, de la présence de la juste quantité d’eau. Depuis la naissance des sociétés agraires, certains cultivateurs, aux endroits ou périodes où la pluie tombe insuffisamment, vont la chercher dans le milieu naturel : ils irriguent.

publicité

Mais voilà, certains bassins versants français disposent de ressources structurellement incapables de satisfaire tous les besoins. On parle de « zones de répartition des eaux ». Parmi eux, l’ex-région Poitou-Charentes. Les volumes d’eau prélevables pour l’irrigation y ont été drastiquement réduits en 2013 (de l’ordre parfois de 50 %), tandis que des arrêtés préfectoraux de crise paralysent, presque chaque année maintenant, les ponctions en période d’étiage des nappes et des cours d’eau. Frappées par ces restrictions, les exploitations irrigantes du territoire, réunies au sein de coopératives de l’eau, ont voulu sécuriser leur accès à la ressource en portant des projets d’ouvrages de stockage : les fameuses bassines !

Pourquoi des bassines ?

L’idée est en apparence frappée au coin du bon sens paysan : retenir une partie de l’eau qui tombe en abondance l’hiver et qui irait rejoindre la mer ; la conserver pour arroser les cultures en saison estivale ; du coup, puiser moins dans le milieu quand celui-ci est en tension. C’est le principe de la substitution des prélèvements. Selon le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne (2016-2021), « une réserve dite de substitution a pour objet de remplacer des prélèvements d’étiage par des prélèvements en période de hautes eaux. Sa conception la rend impérativement étanche et déconnectée du milieu naturel en période d’étiage ». La fonction de la substitution se veut double : soulager les nappes phréatiques l’été, et libérer des volumes estivaux au profit des irrigants qui ne bénéficieront pas de l’eau mise en réserves.

On prendra l’exemple du b


[1] P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture. Une nouvelle vision, pour un meilleur partage, rapport 2013 ; Garonne 2050 : étude prospective sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin de la Garonne, rapport 2014.

[2] Tribunal administratif de Poitiers, 9 mai 2019, n°1701657 et n°1702441.

[3] A cet égard, le protocole d’accord du bassin du Clain prévoit la création d’un groupement d’intérêt public (GIP) qui serait l’organe central de la gouvernance chargé de définir le projet de transition agro-écologique du territoire et de gérer la ressource de façon adaptative.

Benoît Grimonprez

Juriste, Directeur de l'Institut de droit rural de Poitiers, enseignant-chercheur spécialisé en droit rural et de l'environnement

Mots-clés

AnthropocèneClimat

Notes

[1] P. Martin, La gestion quantitative de l’eau en agriculture. Une nouvelle vision, pour un meilleur partage, rapport 2013 ; Garonne 2050 : étude prospective sur les besoins et les ressources en eau à l’échelle du bassin de la Garonne, rapport 2014.

[2] Tribunal administratif de Poitiers, 9 mai 2019, n°1701657 et n°1702441.

[3] A cet égard, le protocole d’accord du bassin du Clain prévoit la création d’un groupement d’intérêt public (GIP) qui serait l’organe central de la gouvernance chargé de définir le projet de transition agro-écologique du territoire et de gérer la ressource de façon adaptative.