Écologie

Comment les géopolitiques impériales ont conduit au bouleversement du climat

Philosophe

Si le concept d’Anthropocène participe à oblitérer le rôle spécifique de l’Europe et du capitalisme dans l’avènement du réchauffement climatique, le concept de Capitalocène conduit à marginaliser le rôle joué par l’État. Une critique du capitalisme-fossile sans une critique des États impérialistes, qui rendent l’accumulation du capital possible, demeure aveugle au rôle de la violence dans l’histoire. C’est en situant l’impérialité et la sécularisation au cœur de la violence d’État qu’on peut mieux saisir la dimension proprement théologico-politique de l’Anthropocène.

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Comment la sécularisation des empires a-t-elle transformé le capitalisme en une machine fossile ? Par quels rouages a-t-elle nécessité la combustion de charbon, puis de pétrole, projetant des quantités catastrophiques de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ? Répondre à ces questions implique d’analyser la façon dont les politiques de sécularisation menées par les empires ont contribué à faire proliférer des pratiques d’exploration des sous-sols à la recherche d’énergies fossiles.

Une telle analyse ne conduit ni à la détermination d’un grand responsable du réchauffement climatique par le dévoilement d’une cause première sous les figures de l’humanité ou du capital, ni au déploiement d’une explication définitive. Elle tente plutôt de décrire les dimensions extra-économiques de la transformation du climat, en montrant comment les mutations de l’impérialité ont participé à faire naître une économie capitaliste fondée sur la combustion des énergies fossiles.

Impérialité et sécularisation

La sécularisation impériale a joué un rôle moteur dans l’avènement de la catastrophe climatique. Les violences impériales de l’État séculier, ses pratiques contre-insurrectionnelles comme ses techniques de guerre coloniale, se situent au cœur de ce que l’on nomme l’Anthropocène. Le mot de sécularisation ne décrit pas ici le processus qui aurait progressivement fait naître le capitalisme par une sorte de nécessité téléologique. Il renvoie à l’ensemble des pouvoirs qui déterminent la fossilisation du capitalisme. Saisie comme un effet des métamorphoses de l’impérialité, la sécularisation apparaît comme la clef de voûte du processus d’accumulation initiale du capital-fossile.

Il importe de comprendre comment la sécularisation des biens de l’Église a rendu possible l’extraction minière du charbon dès le XVIe siècle. Les empires européens ont dû se séculariser en bouleversant l’économie de la conversion, sur laquelle ils reposaient depuis les croisades, pour faire advenir une écono


[1] Andreas Malm, « The Origins of Fossil Capital », Historical Materialism, 21/1, 2013, p. 15-68.

[2] Andreas Malm, L’Anthropocène contre l’histoire, Paris, La Fabrique, 2017, p. 31-33.

[3] Karl Marx, Le Capital, Livre I, Paris, PUF, 1993, p. 459-460.

[4] Timothy Mitchell, Carbon Democracy, London, Verso Books, 2011, p. 63.

[5] Voir Wael Hallaq, Shari’a. Theory, Practice, Transformations, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.

Mohamed Amer Meziane

Philosophe, Maître de conférences en philosophie et études francophones à Brown University

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Notes

[1] Andreas Malm, « The Origins of Fossil Capital », Historical Materialism, 21/1, 2013, p. 15-68.

[2] Andreas Malm, L’Anthropocène contre l’histoire, Paris, La Fabrique, 2017, p. 31-33.

[3] Karl Marx, Le Capital, Livre I, Paris, PUF, 1993, p. 459-460.

[4] Timothy Mitchell, Carbon Democracy, London, Verso Books, 2011, p. 63.

[5] Voir Wael Hallaq, Shari’a. Theory, Practice, Transformations, Cambridge, Cambridge University Press, 2009.