« De quoi se mêlent-ils ? » : l’échec de l’impérialisme moral en Afrique
Jean-Loup Amselle a récemment décrit avec justesse dans AOC toute la complexité des débats autour : (a) du refus de Idrissa Gueye de porter le maillot arc-en-ciel avec les autres joueurs du Paris Saint-Germain lors de la journée de lutte contre l’homophobie ; (b) de sa condamnation comminatoire par la Fédération française de football adossée à une forte réprobation médiatique dans l’Hexagone contre le joueur sénégalais ; et (c) des soutiens multiples dont Gueye a, en revanche, bénéficié au Sénégal, le président Macky Sall inclus. Amselle, après avoir rappelé à juste titre le contexte post-colonial de cette affaire et le conflit récurrent entre universalisme et particularisme, s’est prudemment gardé de prendre position.

Je me risquerai pour ma part à aller plus loin et à prendre parti très clairement, car derrière cette affaire c’est aussi toute l’attitude des Occidentaux qui est contestée en Afrique, bien au-delà du Sénégal, jusqu’à et y compris l’aide au développement, dont tout montre qu’elle est en crise profonde. Je pense que les attaques radicales et outrées contre Ibrahim Gueye sont non seulement déplacées mais doivent être condamnées, et qu’elles sont de plus révélatrices d’un mal profond dès lors qu’il est question des pays du Sud en général et de l’Afrique en particulier.
À quel titre les dirigeants, autorités, intellectuels et experts occidentaux s’autorisent-ils à donner sans cesse des leçons de morale aux peuples africains, en oubliant les poutres qu’ils ont dans l’œil et en bafouant bien souvent les règles qu’ils veulent imposer aux autres ? Ce sont cette arrogance, cette suffisance, cette condescendance, cette tartuferie, qui expliquent pour une grande part le rejet de plus en plus prononcé de l’Occident (France en tête) par une très grande partie des opinions publiques africaines, rejet massif dont on voit d’ailleurs dans l’actualité une conséquence que je trouve particulièrement déplorable mais dont il faut comprendre le pourquoi : un souti