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Tribunal ouighour : prouver un génocide pour « entrave aux naissances »

Historienne

Si le Tribunal ouighour, formation citoyenne composée d’universitaires et de juristes, a récemment conclu au crime de génocide perpétré par la République populaire de Chine, ce n’est pas au sens ancré dans la conscience collective de meurtre de masse. Ce verdict aussi attendu qu’original et rigoureux fut rendu en raison de la politique délibérée, systématique et concertée de l’État chinois de contrôle des naissances avec comme objectif la réduction des taux de natalité des populations ouighoures et autres communautés turciques.

C’est au bout d’une heure et quarante-cinq minutes que le verdict de « crime de génocide » contre la population ouighoure et les autres minorités musulmanes turciques de la Région autonome ouighoure du Xinjiang a été prononcé par Sir Geoffrey Nice, en ce 9 décembre 2021. Le Tribunal a démontré que les politiques menées par la République populaire de Chine dans cette région relevaient d’un génocide en vertu de l’article II d) de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, soient des « mesures visant à entraver les naissances », qui entrainent une destruction partielle substantielle du groupe en tant que tel (Jugement, §183)[1].

Ce verdict, original puisque pour la première fois le crime de génocide ne repose pas sur le meurtre de masse, était très attendu par la communauté ouighoure, par les ONG de défense des droits humains, par de nombreux chercheurs et militants. Mais difficile de dire qu’il s’agissait vraiment d’un soulagement : si d’un côté, la nature des crimes commis a enfin un nom, de l’autre, ces crimes tels qu’ils ont été exposés pendant les audiences témoignent de l’horreur quotidienne vécue, conséquence d’une politique répressive, systématique, planifiée et concertée, qu’il semble bien difficile d’arrêter.

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Le Tribunal n’a pas seulement conclu au génocide, mais également aux crimes contre l’humanité et à la torture, en se fondant sur un corpus juridique large. Ainsi, ce jugement, qui pourrait avoir le goût amer d’un constat d’impuissance face à de telles atrocités, est très dense et il repose sur un travail de fond et des audiences publiques. Il ouvre la voie à de nouvelles actions en droit, multiples et inventives au regard de celles déjà engagées.

Cet article se base en priorité sur le texte du jugement, les audiences, les dépositions ainsi que plusieurs entretiens menés ces derniers mois, pour offrir un premier éclairage et inviter tout un chacun à prendre connaissance de l’ensemble des éléments disponibles : il revient sur les sources présentées constituées en preuves, leur interprétation et leur utilisation par les membres du Tribunal, ainsi que sur la logique de la démonstration, au croisement du droit et des sciences sociales.

Le Tribunal en ses coulisses

Jusqu’alors, les allégations de génocide ou de risque sérieux de génocide prononcées par certains parlements de l’Union européenne, de la Grande-Bretagne, ou par certains gouvernements relevaient essentiellement de résolutions votées, de déclarations et de condamnations. Ces dernières ne se fondaient pas sur des audiences, une présentation de preuves ou une démonstration publique de cette accusation gravissime, puisqu’aucune cour nationale ou internationale, ni même les Nations unies, ne se sont jusqu’alors prononcées (J. §12).

Présidé par Sir Geoffrey Nice, ancien procureur général du procès Milosevic, et instruit entre autres par Hamid Sabi, le Tribunal ouighour a œuvré, pour sa part, à présenter en audiences et évaluer en public le panorama complet d’une violence de masse, des plus hauts échelons de l’État au plus proche de la souffrance des victimes, afin de déterminer, au regard du droit international, des sources disponibles et de leur analyse, si la Chine attaquait avec l’intention de détruire tout ou partie de la population ouighoure[2]. Il s’est focalisé en priorité sur la question de la responsabilité de l’État (J. §4), tout en mobilisant un corpus juridique de référence très large : la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 ; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; le statut de Rome de la Cour pénale internationale relatif, entre autres, aux crimes contre l’humanité et à la responsabilité pénale individuelle ; la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et celle du Tribunal pénal international pour le Rwanda ; et plus généralement la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, laquelle permet d’évaluer une situation au regard de grands principes, universels et indiscutables (J. §4, 17).

Ce tribunal citoyen (people’s tribunal) avait ainsi pour objectif de combler une faille du droit international. En effet, la Chine, tout en étant signataire de la Convention sur le génocide, ne peut être traduite devant la Cour internationale de justice du fait de la réserve qu’elle a émise à l’article IX[3]. Par ailleurs, le travail et le jugement du Tribunal sont aussi une manière de mettre les gouvernements des États signataires de la Convention face à leurs obligations de prévention et de répression du génocide (J. §9, 208), au même titre d’ailleurs que les États non signataires qui sont eux aussi obligés par le droit coutumier international, lequel proscrit le génocide. Le Tribunal ne constitua cependant pas une cour de justice car il n’y avait pas d’accusé et il n’a prononcé aucune recommandation ou peine, mais il a fonctionné de la même façon, dans le sens où il a évalué les éléments de preuves disponibles et les dépositions des témoins.

L’objectif était double : il s’agissait à la fois de déterminer en droit la nature des crimes commis, mais aussi de combler un « manque de connaissances » (J. §208). Ceci est à comprendre, non pas comme absence de connaissances[4], mais comme une mise en commun de celles-ci pour produire un savoir et un narratif collectifs, fondés sur des disciplines, des sources, des expériences et des témoignages de nature très variée. De manière générale, le « pouvoir ultime » des tribunaux citoyens consiste en l’établissement ou le changement d’un narratif [5].

Aucun modèle de tribunal citoyen n’est prédéfini et celui du Tribunal ouighour repose sur un jury indépendant composé, autour de Sir Geoffrey Nice, de huit hommes et femmes issus du monde académique en particulier. Ces derniers agissaient en leur qualité de citoyens[6], qui n’étaient pas impliqués dans la collecte de preuves. Ils devaient dresser des conclusions en fait et en droit (factual and legal findings) à partir des éléments de preuve présentés par Hamid Sabi et ses deux conseillers en droit, après avoir été collectés par une équipe de recherche composée d’une trentaine de personnes[7]. Si la demande officielle de convoquer un tribunal ouighour a été formulée en juin 2020 par Dolkun Isa, président du Congrès mondial ouighour (World Uyghur Congress)[8] représentant les intérêts spécifiques d’une partie de la diaspora, le Tribunal a affirmé et réaffirmé à plusieurs reprises sa neutralité : les membres du jury et les conseillers en droit n’avaient pas d’intérêt particulier pour la population ouighoure, comme ils n’étaient pas plus disposés à lutter contre le gouvernement chinois ; une distance était également prise et affirmée face aux opinions ouvertement antichinoises émises durant les audiences, face à certains mots et injonctions prononcés par les témoins ou suggestions des experts auditionnés adressés au membres du jury (J. §10, 16, 31).

L’État chinois a été invité à participer à plusieurs reprises, selon des modalités qui auraient pu être définies avec ses représentants s’ils avaient répondu[9]. Or, aucune réponse n’a jamais été reçue (J. §27). L’ambassade de Chine en Grande-Bretagne était régulièrement notifiée des audiences du Tribunal, y compris de celle du 27 novembre 2021 relative aux documents confidentiels (« Xinjiang Papers ») remis anonymement en septembre. Elle a cependant pris des sanctions, qui ont été annoncées le 26 mars 2021[10] contre neuf personnes, dont Sir Geoffrey Nice, certains parlementaires britanniques comme Nusrat Ghani ou Ian Duncan Smith, la chercheuse Joanne Smith Finley qui a témoigné en juin 2021, et quatre entités dont la Commission des droits humains du Parti conservateur anglais, le Tribunal ouighour lui-même ou la Essex Court Chambers. Ces sanctions n’ont eu que peu d’effets sur le travail général du Tribunal, l’accès et l’analyse des preuves (J. §34-35). Pourtant, deux conseillers en droit de renom, qui avaient initialement fait part de leur volonté d’aider le Tribunal, ont dû se retirer du fait de sanctions (J. §145).

Les victimes sur le devant de la scène

C’est donc au cours de quelque 70 heures d’audience que se sont exprimés plus de 70 témoins des faits (dont une quinzaine d’ancien.nes détenu.es), experts-témoins, en droit notamment, et témoins de contexte (chercheur.es en sciences sociales, journalistes d’investigation). Mais en amont, le travail du Tribunal a dépassé ces seules audiences publiques. Pour en résumer l’ampleur, le discours de clôture de Hamid Sabi permet d’en faire un bilan : une équipe de recherche d’une trentaine de personnes a commencé à travailler en juin 2020, soit pendant plus d’un an et demi – le travail continue aujourd’hui encore pour la préparation des annexes au jugement –, pour un total de dizaines de milliers d’heures de travail afin de trouver les ressources possibles disponibles liées aux allégations de crimes commis en Région ouighoure ; des centaines de milliers de pages de documents ont été lues et déchiffrées ; une présélection de 500 témoignages ou extraits, notamment à partir des bases de données de Xinjiang Victims Database (XVD) et de Uyghur Transitionnal Justice Database (UTJD), a débouché sur la sélection finale de 33 témoins des faits entendus ; plus d’une centaine de chercheur.es, expert.es et défenseur.es des droits humains ont été contacté.es pour finalement 40 expert.es auditionné.es, dont les travaux académiques reposaient souvent sur des connaissances anciennes, à partir de terrains effectués antérieurement[11].

Le Tribunal a également pris connaissance de rapports et avis juridiques produits par différentes instances[12], comme il a effectué des demandes d’informations auprès des gouvernements américain, anglais et japonais, ou auprès de la République populaire de Chine, toutes restées sans réponse (J. §66-69). Le suivi de l’ensemble des audiences et la lecture des documents mis en ligne permettent bien de saisir la quantité de travail effectué.

L’une des grandes forces du Tribunal est d’avoir placé au cœur de son interrogation la parole des victimes directes de la politique répressive de l’État chinois, avec une sélection de témoignages très diversifiés, sans pour autant la réduire à celle-ci. Dans un entretien, Hamid Sabi avait précisé que l’absence dans le prétoire de la Chine, si prompte à l’intimidation, avait permis de préserver la parole de victimes[13] qui cependant subissaient par ailleurs une pression considérable pour garder le silence : autocensure, pression familiale ou pressions de l’État chinois et de ses agents, y compris dans les pays-tiers qui ont signé des accords d’extradition[14]. Et effectivement, à écouter l’ensemble des témoignages directs, l’enceinte du Tribunal a constitué une arène de parole particulièrement libre et bienveillante à l’égard des victimes, dans laquelle ont pu être abordées, de façon concrète et directe, les conditions de détention, les violences psychologiques, les tortures et les viols, souvent collectifs et en public, comme des vies en diaspora meurtries par l’absence et les disparitions inexpliquées de proches restés en Région ouighoure. Les victimes, qui sont au cœur du processus judiciaire – probablement encore plus dans le cadre d’un tribunal citoyen, sans témoin à charge ou à décharge –, attestent du crime par leur existence même[15].

Malgré le nombre relativement limité de témoignages d’ancien.nes détenu.es – il s’agit de témoins volontaires – au regard du nombre de personnes internées, le Tribunal a considéré que les informations ainsi révélées pouvaient être généralisées en vertu d’un faisceau d’indices concordants (confluence of consistent evidences) : les témoins n’étaient pas liés entre eux (réseau, famille), les preuves documentaires et les articles académiques étaient nombreux, les rapports et documents officiels chinois permettaient de dresser un tableau uniforme et cohérent de ce qui se passait dans la région (J. §32), auxquels s’ajoutaient des documents confidentiels révélés. Le site du Tribunal a par ailleurs ajouté récemment 26 nouveaux témoignages écrits (en ouighour et en anglais) par des victimes qui n’ont pas pu être entendues lors des audiences[16].

La question de l’évaluation de ces témoignages est évidemment primordiale et leur valeur doit s’apprécier à la lumière du risque qu’implique cette prise de parole en public qui relève d’un véritable sacrifice testimonial. Celle-ci est excessivement rare et couteuse pour le témoin qui a dû, pendant sa détention s’il s’agit d’ancien.nes détenu.es, signer un document imposant le silence, nier son incarcération voire parfois décrire de façon positive leur expérience. Il faut sans doute rappeler ici que seule une dizaine d’ancien.nes détenu.es vivant en Europe – dont deux femmes résidant en France[17] – se sont exprimées publiquement pendant les audiences. La valeur du témoignage doit s’apprécier également pour sa dimension collective : nombreuses sont celles – de mémoire, essentiellement des femmes – qui témoignent pour leurs anciennes codétenues, condamnées au silence.

Un témoignage vaut donc bien plus qu’un seul témoignage et ce d’autant plus que derrière la parole de la victime se révèle celle du bourreau, et derrière lui, la planification et le système (J. §74-77). Ces camps parfois si propres, décrits par Gulbahar Haitiwaiji[18], cartographiés par l’UTJD[19], l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) qui propose aussi quatre exemples de modélisation en 3D, ou la National Geospatial Intelligence Agency (partie 1, partie 2), sortent de terre par décision politique ; ils sont le produit du travail d’architectes et de géomètres, d’entreprises du BTP, de fournisseurs, de sous-traitants et de fabricants de fil barbelé par exemple, qui répondent à des appels d’offres publiés dans des journaux, d’ingénieurs et de chercheurs en intelligence artificielle qui mettent au point les techniques de reconnaissance faciale et les caméras, d’un personnel médical chargé des injections ou de prises de sang auprès des détenus à leur arrivée, ou pire pendant leur détention, de l’organisation du transport des produits manufacturés dans les usines construites à proximité ou dans l’enceinte des complexes pénitentiaires, des ouvriers et ouvrières qui cousent les uniformes gris, bleus, oranges ou rouges des détenu.es en fonction des motifs de leur détention, ou bien les cagoules noires mises systématiquement sur leur tête lors des transferts[20]… Le coût financier, que peut représenter le salaire des gardiens et du personnel des camps par exemple, mais plus largement la mise en place ou l’entretien de l’ensemble du système répressif, en est faramineux.

À ce panorama quasi total de la répression a peut-être manqué la déposition d’un gardien de camp[21], ce qui aurait permis d’avoir une vision encore plus nette du fonctionnement de l’intérieur du système répressif chinois en Région ouighoure, au plus bas de sa ramification étatique. Cet aspect a cependant été couvert par plusieurs témoignages : celui de Wang Leizhan, policier patriote, repenti et réfugié politique en Allemagne, qui a fait état des tortures infligées, du fonctionnement de la police et du ciblage-stigmatisation spécifique de la population ouighoure ; ceux de Qelbinur Sidik et de Sayragul Sauytbay (Sawutbay), enseignantes forcées de travailler en centre de rééducation, qui ont bien dévoilé le fonctionnement particulièrement pernicieux en système totalitaire de ce « maillon de jonction » entre le monde des perpétrateurs-tortionnaires et celui des victimes. Le livre de Sayragul Sauytbay le décrit particulièrement bien : sous le sceau de la confidentialité, son contrat de travail lui interdisait par exemple de parler aux prisonniers sous peine d’exécution, et l’administration du camp lui imposait de connaître des informations confidentielles, comme celles du « Document 21 » qui mentionnait que les cadavres des détenu.es devaient disparaître sans laisser de trace[22]. Comme elle l’écrit, le pouvoir qui la mettait ainsi dans la confidence lui faisait assumer une part de responsabilité et lui imposait de devenir complice du système[23].

Détruire par le meurtre de masse ?

Ayant adopté une norme de preuve la plus rigoureuse possible (strictest standard of proof), au-delà de tout doute raisonnable, le Tribunal a considéré qu’il n’avait pas à sa disposition suffisamment d’éléments pour caractériser le génocide à partir du critère de l’article II a) de la Convention de 1948, soit « meurtre de membres du groupe » (J. §23-24, §177), contrairement à l’Institut Newlines, représenté au Tribunal par John Packer et Yonah Diamond, les seuls parmi les rédacteurs de rapports officiels et avis juridiques en langue anglaise examinés par le Tribunal à avoir accepté l’exercice[24]. Dans leur rapport, ces derniers ont appliqué une norme de preuve moins stricte, parce qu’il s’agissait de prouver la responsabilité de l’État dans le génocide, non pas une responsabilité individuelle, pour considérer que les cinq critères du génocide de la Convention de 1948 étaient remplis[25]. Malgré leur invitation à faire de même, le Tribunal a décidé de ne pas suivre cette procédure et a mis la barre un cran au-dessus ; est invoquée notamment la nature citoyenne du Tribunal, qui a imposé de suivre une démarche la plus stricte possible (J. §47-50, 73).

Attester du meurtre de masse, avec l’intention de détruire tout ou partie du groupe – ce qui caractérise les génocides jusqu’alors reconnus –, était particulièrement difficile en l’état actuel des données (J. §177), comme l’affirment aussi certains chercheurs. Lors d’une conférence organisée par l’Institut des études orientales à Prague le 11 novembre 2021, Adrien Zenz a lui aussi insisté sur la nécessité d’adopter une démarche strictement positiviste en matière de meurtre de masse. Les éléments entendus durant les audiences sont indéniables et alarmants, mais parcellaires et difficiles à recouper : la question développée par Ethan Gutmann (auditions du 7/06/2021 et du 13/09/2021) sur le prélèvement forcé d’organes et le commerce de transplantation en Chine, à travers l’étude du complexe carcéral d’Aksu (au sein duquel se trouvaient deux camps, un hôpital et un crématorium), n’a été prise en compte que partiellement par le Tribunal, puisqu’il s’agissait d’une recherche en cours (J. §60)[26] ; plusieurs témoins, durant leur internement, ont également fait état d’hommes et de femmes, jeunes et en bonne santé, qui disparaissaient sans jamais réapparaître, et de décès de détenu.es dont iels ont été témoins ; ou la cartographie des structures d’internement établie par les chercheurs du UTJD incluant – sans faire de lien de causalité directe – les crématoriums situés dans un rayon de 10 km[27]. La létalité de l’internement est une question qui reste ouverte, d’autant plus vive à la lecture des récents documents des Xinjiang Police Files.

Pour attester du meurtre de masse visant à détruire tout ou partie du groupe, il faudrait, entre autres, avoir accès au terrain et mener des enquêtes indépendantes, ou pouvoir dresser des statistiques précises de la mortalité, non seulement dans les camps, mais aussi dans les maternités[28]. Cela permettrait de comptabiliser les infanticides, « avortements tardifs » jusqu’à huit mois de grossesse et meurtres de nouveau-nés de quelques heures (J. §33d, 117), ce qui a été évoqué durant les audiences par une ancienne sage-femme notamment, qui a pratiqué des accouchements clandestins dans les années 2000, et qui expliquait, entre autres, qu’elle devait aussi trouver des moyens de bloquer la lactation pour que ces femmes échappent au contrôle des agents du planning familial[29]. L’État chinois évite de rendre publiques certaines statistiques liées à l’internement et à sa létalité, de même qu’il a détruit des preuves[30].

Enclin à la prudence et s’attachant à la caractérisation du crime le plus strictement prouvé, le Tribunal a considéré que la nature des meurtres dont il avait écho, notamment lors des séjours en détention, ne visait pas la destruction physique avec intention de détruire le groupe en tout ou partie. Il n’a pas non plus statué sur les meurtres de masse et l’extermination comme crimes contre l’humanité, car il a considéré ne pas avoir de preuves suffisantes pour comprendre l’état d’esprit derrière ces meurtres délibérés ou en saisir leur échelle (J. §170a et b). Cependant, il a souligné qu’un état de vigilance était indispensable : l’insuffisance actuelle de preuves ne signifie pas que le meurtre de masse n’ait pas eu lieu ou n’aura pas lieu, comme l’a rappelé Ton Zwaan (audition du 27/11/2021). Avec la Shoah pour exemple, ce dernier a bien insisté sur le fait que plusieurs années s’étaient écoulées entre les lois liberticides et discriminantes à l’égard des Juifs dans l’Allemagne nazie et la mise en œuvre du processus d’extermination ; mais surtout, a-t-il ajouté, les intentions ne sont pas des données fixes, elles évoluent dans le temps (J. §143).

Destruction biologique d’une partie substantielle du groupe

Le Tribunal ouighour a donc retenu le critère d’entrave aux naissances, ce qui est revenu à prouver l’intention de détruire biologiquement une partie substantielle du groupe en tant que tel. Puisqu’il n’existe pas de précédent de génocide sur le critère d’entrave aux naissances, plusieurs termes ont dû être clarifiés et des notions précisées, entre autres, par la mobilisation de Raphaël Lemkin (J. §133, 134). « Détruire », en droit, se limite à la destruction physique et biologique, et la notion de « destruction biologique » n’ayant pas été définie de façon adéquate par une cour (J. §159, 163), les membres du Tribunal ont eu recours aux deux versions préparatoires de la Convention de 1948 (J. §160-162) pour saisir comment cette notion était initialement pensée[31]. La « partie substantielle » doit être « suffisamment importante pour avoir un impact sur le groupe, dans son entier » (J. §175e). Dans leur intention de détruire, les auteurs visent non pas un individu per se, pour son identité personnelle, mais l’individu en tant que membre du groupe (J. §151), pour ce qu’il incarne de l’identité collective ciblée. Enfin, les mesures visant à entraver les naissances peuvent être prouvées, entre autres, en ciblant les pratiques de mutilations sexuelles, de stérilisation, de contrôle forcé des naissances, de séparation des sexes ou d’interdiction de mariage[32].

Le critère de « mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe » ne requiert pas de preuve de résultat, comme dans le cas du « meurtre des membres du groupe », de l’« atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe » ou du « transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe » de la Convention de 1948 (J. §149-150). La démonstration du génocide pour « entrave aux naissances » repose donc sur l’étude des politiques de contrôle des naissances qui a permis à la fois de dresser un constat et de faire une projection. Ces politiques sont analysées de longue date par Adrien Zenz (auditionné les 07/06/2021, 13/09/2021 et 27/11/2021) et par Nathan Ruser (audition du 06/06/2021) à partir de statistiques officielles publiées régulièrement jusqu’en 2019, d’articles académiques chinois, et d’articles ou rapports occidentaux[33]. Elles se traduisent par une diminution des taux de natalité et un déclin de la croissance de la population : le taux de natalité en 1990 en Région ouighoure, qui était stable et avoisinait 125 % de la moyenne nationale en Chine, a diminué de façon significative entre 2018 et 2019 pour atteindre 80 % (J. §118). Entre 2015 et 2018, le taux de croissance naturelle de la population ouighoure dans les préfectures du sud du Xinjiang a diminué de 73,5 %, et il était nul, voire négatif, en 2018 et 2019 (J. §119-121). Ces chiffres permettent donc de constater le résultat de ces politiques de contrôle des naissances, mais elles permettent aussi une projection : les politiques actuelles se traduiront par une réduction de la population de 2,6 à 4,6 millions de personnes en 2040, soit 20 à 34 % de la population ouighoure qui aurait dû vivre (J. §122).

Comme le jugement le rappelle (J. §134), en citant Raphaël Lemkin, « le génocide ne signifie pas nécessairement la destruction immédiate d’une nation, sauf quand il se réalise par le meurtre de masse de tous les membres de la nation »[34]. Ainsi, cette projection démographique dans un futur d’une vingtaine d’années a été retenue par le Tribunal parce qu’elle révélait l’ampleur de l’interférence de l’État dans la capacité de reproduction de la population ouighoure (J. §122). Il a donc reconnu que la République populaire de Chine a mené et mène une politique délibérée, systématique et concertée de contrôle des naissances avec comme objectif « d’optimiser la population »[35] au Xinjiang en utilisant des moyens de réduction sur le long terme des taux de natalité des populations ouighoures et autres communautés turciques musulmanes par le contrôle des naissances et la stérilisation (J. §125, 175). Et cela correspond à l’un des actes prohibés par la Convention de 1948.

Déterminer l’intention

La preuve de l’intentionnalité, au cœur de tout processus de génocide et question cardinale des procès de génocidaires, l’a indéniablement été dans les délibérés comme le révèle le texte du jugement et sa composition, qui donnent à voir le cheminement intellectuel qui a présidé à la résolution de cette épineuse question, grâce à un exercice d’équilibriste entre droit et sociohistoire. Le recours encore à Raphaël Lemkin et la prise en compte de la dimension sociologique première du concept de génocide pourrait paraître contradictoire pour une instance visant à prouver en droit. L’invitation faite à Ton Zwaan d’apporter son éclairage a été déterminante ; en témoignent les nombreux paragraphes tirés de son rapport (J. §133-144). Comme ce dernier l’a formulé, « la difficulté de prouver l’intention par les juristes est un problème récurrent dans les procès pour génocide » (J. §144) et de continuer en estimant qu’un discours n’est pas suffisant pour attester d’une intentionnalité ; celle-ci doit être déduite de ce qui se passe concrètement (audition du 27/11/2021). Cette considération, avant de repasser dans le domaine du droit, est reprise comme critère déterminant dans le jugement : « L’intention (c’est-à-dire l’état d’esprit psychologique) doit être reliée à la commission des actes criminels eux-mêmes » (J. §175c). C’est en quelque sorte le « smoking gun » qui doit être décelé, expression entendue à plusieurs reprises durant les audiences[36] et dont l’image semble particulièrement appropriée pour saisir précisément cet enjeu, puisqu’il représente la source du crime, la conséquence immédiate et sa conséquence future.

Pour le Tribunal, l’existence d’un plan, aussi complet et concerté soit-il, n’est pas un élément de droit, ni même une condition (requirement) du crime de génocide – qui doit être caractérisé par au moins l’un des cinq actes prohibés –, mais il a été considéré comme un facteur pertinent pour prouver l’intention (J. §175a). Une archéologie des discours et lois répressives, à partir de documents officiels publics ou confidentiels classifiés, a donc été établie, notamment à compter de 2014, avec une première série de discours de Xi Jinping puis, en 2017, avec ceux de Chen Quanguo. Cette archéologie a reposé en partie sur l’analyse d’une série de documents classés top-secret, d’un total de 317 pages, remis anonymement au Tribunal en septembre 2021 et qui correspondent à une partie des « Xinjiang Papers », révélés par le New York Times le 16 novembre 2019[37]. Ces documents confidentiels ont été authentifiés et analysés sur le fond par Adrian Zenz avec une double lecture non-aveugle faite par James Millward et David Tobin – méthode d’évaluation par les pairs caractéristique des sciences sociales –, et présentés lors d’une audience supplémentaire le 27 novembre 2021.

Depuis l’ordre de Xi Jinping de « Ne faire preuve d’aucune clémence » dans la mise en œuvre des nouvelles politiques au Xinjiang ou celui de Chen Quanguo de « Rafler tous ceux qui pourraient être raflés », ainsi que les politiques de dé-radicalisation et de lutte officielle contre le terrorisme et le séparatisme, cette archéologie témoigne de l’existence de plans concertés et interconnectés aux niveaux national, régional et local, et de leur mise en œuvre à travers des politiques de contrôle des naissances, de stérilisation, de transferts et de travail forcés, de placement d’enfants en internats et en orphelinats[38], de la présence régulière imposée de Han dans les familles ouighoures, de la destruction des mosquées et des lieux de culture, et de l’internement de masse (J. §79-132)[39]. Si ces documents confidentiels analysés par le Tribunal établissent un lien direct entre les discours et les politiques mises en œuvre – ce qui n’avait jusqu’alors pu être opéré avec autant de minutie (audition d’Adrian Zenz, le 27/11/2021) –, ils viennent seulement conforter et préciser les conclusions du Tribunal, déjà sans appel avant le mois septembre, sur l’existence d’un vaste appareil répressif qui implique des politiques multiples et interconnectées et qui visent la population ouighoure (J. §88, §91), et soulignent la responsabilité directe de Xi Jinping, Chen Quanguo et d’autres hommes d’État de haut rang (J. §91-96).

Si les crimes de génocide du XXe siècle reconnus jusqu’alors ont reposé sur le critère du meurtre des membres du groupe, le travail et le jugement du Tribunal invitent désormais à se départir de cette idée ancrée dans la conscience collective pour considérer d’autres critères, en l’espèce, celui d’entrave aux naissances. La démonstration, qui n’a pas bénéficié de jurisprudence antérieure sur cet aspect précis, a imposé au Tribunal de se fonder sur le droit international, mais aussi de prendre en considération des aspects plus sociohistoriques, en remobilisant Raphaël Lemkin avec l’audition de Ton Zwaan notamment. On pourrait s’interroger sur les autres raisons de ce détour par la sociohistoire : sans doute trouvent-elles une base propice dans la nature même d’un tribunal citoyen, dont le jury est composé d’universitaires non-juristes devant rendre une décision, fondée sur le droit international tout en étant également compréhensible par «  l’homme de la rue » (échanges avec Geoffrey Nice, audition de J. Packer et Y. Diamond) ?

Cet équilibre entre droit, sciences sociales et sens commun – qu’il conviendra d’analyser plus en profondeur – a sans doute aussi été favorisé par le dialogue constant entre les membres du Tribunal, les juristes et les chercheurs qui interagissaient, tentaient de répondre à des interrogations posées précédemment par les uns et les autres ou apportaient de nouveaux éléments de compréhension pour les uns et les autres. À ce titre, il faut également prendre en considération les échanges et les recherches présentées durant la conférence de Newscastle, organisée du 1er au 3 septembre 2021 – soit entre les deux sessions d’audience du Tribunal –, qui a également alimenté la réflexion et participé à la compréhension du crime. Sans oublier évidemment qu’au cœur de ce processus se trouvaient les témoins des faits, essentiels.

Le Tribunal n’a pas uniquement statué sur le crime de génocide, mais il a également conclu à la torture et à sept crimes contre l’humanité sur les onze du Statut de Rome (art. 7), à savoir : déportation et transfert forcé de population ; emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique ; torture ; viol et stérilisation (ainsi que d’autres formes de violence sexuelle) ; persécution ; disparitions forcées ; et autres actes inhumains (surveillance, destruction des mosquées et des cimetières, mariages forcés et répression religieuse et culturelle). Le texte du jugement plaide pour une « dé-hiérarchisation » des crimes relevant du droit international, la conscience collective considérant généralement le génocide comme le « crime des crimes » par rapport aux crimes contre l’humanité par exemple (J. §191-196). Cette question se pose avec acuité lorsqu’un génocide fondé sur « l’entrave aux naissances » prend en compte l’impact actuel des politiques de contrôle de la natalité mais surtout la projection démographique. Comment comparer un processus de génocide à partir de vies non advenues, alors même que des crimes contre l’humanité ont décimé ou déciment, par le meurtre de masse et l’extermination, des populations ciblées ?

Ceci étant posé et laissé à des discussions et analyses à venir, le fait que des crimes de nature différente ont été reconnus par le Tribunal, avec des sources, des preuves et un raisonnement mis à la disposition des citoyens, permet d’envisager des formes d’action diverses et à des échelles variées (consommation, échanges commerciaux…), mais aussi en droit, au niveau national au regard des compétences universelles spécifiques aux États, au niveau européen ou international. Peuvent être cités comme exemples la préparation d’une action en justice en Argentine, en vertu des dispositions de la compétence universelle du pays relatives au génocide et aux crimes contre l’humanité où qu’ils soient perpétrés, ou encore la plainte pour recel de crimes contre l’humanité déposée auprès du Parquet national antiterroriste, qui a ouvert une enquête l’année dernière au mois de juin. Ainsi, comme l’a souligné Sir Geoffrey Nice, le travail du Tribunal est achevé[40] ; c’est à chacun et chacune de s’emparer des audiences, des dépositions, des preuves, du jugement, des sources disponibles au-delà du Tribunal ouighour. Et il s’agit bien là d’une histoire qui continue de s’écrire.


[1] Le texte du jugement est définitif, mais les références et les annexes sont encore en cours de préparation.

[2] Laquelle inclue les autres communautés musulmanes turciques (comme les Kazakhs, les Kirghizes).

[3] Comme le suggère le jugement, personne n’a encore essayé de contester la validité de cette réserve (J. §201).

[4] Dans le domaine académique, les recherches sont anciennes et nombreuses, voir la bibliographie de Uyghur Human Rights Project.

[5] Je remercie Aarif Abraham pour avoir insisté sur ce point dans un entretien du 30/05/2022. Ce dernier a répondu en tant qu’expert juridique sur des questions générales ayant trait aux tribunaux citoyens.

[6] Entretien avec Sir Geoffrey Nice, le 14/06/2022, qui a insisté sur ce point.

[7] Entretien avec Hamid Sabi, le 30/09/2021 (réalisé avec Guillaume Mouralis et Marine Mazel). La majeure partie des membres du Tribunal n’ont pas été rémunérés (J. §5). Sir Geoffrey Nice comme Hamid Sabi insistent sur ce point dans les entretiens.

[8] Le Tribunal a été lancé officiellement le 3 septembre 2020, avec l’assistance de Coalition for Genocide Response.

[9] Entretien avec Sir Geoffrey Nice, le 14/06/2022.

[10] Des sanctions similaires touchent aussi certains députés du Parlement européen ou de parlements nationaux en Europe, le Comité politique et de sécurité du Conseil de l’Union européenne ou la Sous-Commission des droits de l’homme du Parlement européen.

[11] À titre d’exemples : Dr. David Tobin (Université de Manchester), Dr. Rian Thum (Université de Manchester), Dr. Joanne Smith Finley (Université de Newcastle), et Pr. James Millward (Washington University).

[12] Ceux de Bar Human Rights Committee, Essex Court Chambers, Intercept, Newlines Institute, Human Rigths Watch, Amnesty Report, Australian Strategic Policy Institute (ASPI) et United Holocaust Memorial Museum.

[13] Entretien avec Hamid Sabi.

[14] Sur les extraditions et les pressions : rapport de UHRP ; audition de Laura Harth, le 13/09/2021 ; entretien avec Dolkun Isa, le 15/12/2021.

[15] Antoine Garapon, Des Crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner. Pour une justice internationale, Paris, Odile Jacob, 203, p. 166.

[16] « Other witness statements » (dernière consultation : 10/06/2022).

[17] Il s’agit de Gulbahar Jalilova et de Gulbahar Haitiwaji. Par ailleurs, il existe deux témoignages disponibles en français, voir la recension.

[18] Gulbahar Haitiwaji et Rozenn Morgat, Rescapée du goulag chinois, Paris, Équateurs, 244 p.

[19] Auditions de Muetter Illiqud, les 4/12/2021 et 12/09/2021, complétée trois entretiens, les 21/10/2021, 1/11/2021 et 13/12/2021).

[20] Les cagoules, les menottes et les chaînes aux pieds doivent être systématiquement mises : voir les consignes officielles, révélées par les Xinjiang Police Files, documents remis à Adrian Zenz puis à plusieurs journaux et analysés, entre autres, par Le Monde et la BBC.

[21] Entretien avec Hamid Sabi.

[22] Sayragul Sauytbay et Alexandra Cavelius, Condamnée à l’exil. Témoignage d’une rescapée de l’enfer des camps chinois, Paris, Hugo Doc, 2021, p. 222. Voir aussi son entretien publié dans Le Monde.

[23] Ibid., p. 223.

[24] Audition de John Packer et Yonah Diamond, le 11/09/2021.

[25] Le rapport de l’Institut Newlines pour la stratégie et la politique, en coopération avec le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, produit par une trentaine d’experts indépendants, a été publié en mars 2021. Il est rédigé en anglais et traduit en français.

[26] Voir les travaux du China Tribunal consacrés aux prélèvements d’organes sur les prisonniers de conscience (Falun Gong, prisonniers politiques), également présidé par Geoffrey Nice.

[27] Auditions de Muetter Illiqud, complétées par des entretiens.

[28] Pourraient aussi être incluses les structures comme les établissements psychiatriques par exemple, ce qui n’a pas été évoqué par le Tribunal, mais qui, dans les systèmes totalitaires, participent de la répression politique et du processus de destruction.

[29] Audition de Rahima Muhammad Nuri, le 11/09/2021.

[30] Échanges durant l’audition de J. Packer et Y. Diamond, le 11/09/2021.

[31] La version de 1947 prévoyait trois catégories de génocide – physique, biologique et culturel – et celle d’un comité ad hoc proposée dans une réunion (avril et mai 1948) retenait le « génocide physique et biologique » à l’article II, et le « génocide culturel » à l’article III (J. §161).

[32] Texte du jugement de Jean-Paul Akayesu, TPIR, 2/09/1998, §507. Son procès a eu lieu entre janvier 1997 et septembre 1998 et constitue un événement majeur pour le TPIR qui rend ainsi son premier jugement, Ornella Rovetta, « Le procès de Jean-Paul Akayesu. Les autorités communales en jugement », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 122-2, 2014, p. 51‑61.

[33] Adrian Zenz, « “End the Dominance of the Uyghur Ethnic Group”: An Analysis of Beijing’s Population Optimization Strategy in Southern Xinjiang », Central Asian Survey, 40-3, 2021, p. 291‑312 ; Adrian Zenz, Sterilizations, IUDs, and Mandatory Birth Control: The CCP’s Campaign to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, Washington D.C., The Jamestow Foundation, 2020 ; Nathan Ruser, James Leibold, « ‘Family de-planning’ report ».

[34] Raphaël Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, Clark, New Jersey, The Lawbook Exchange, 2008, p. 79.

[35] Politique officielle combinant : une immigration de population han vers la Région ouighoure ; les transferts/déplacements forcés des minorités ethniques de la Région ouighoure ; et la réduction des taux de natalité de la population ouighoure.

[36] Auditions d’Adrian Zenz, le 7/06/2021 ; de David Tobin, le 10/09/2021 et de Charles Parton, le 13/09/2021.

[37] Ces documents sont différents des « China Cables » publiés une semaine plus tard par l’International Consortium of Investigative Journalists (24 novembre 2019).

[38] Audition de Julie Millsap, le 11/09/2021. Entre 2017 et 2019, 880 000 enfants ont été transférés vers les écoles primaires et secondaires han ou internats pour une éducation entièrement en chinois (J. §126-128). Le droit international n’est pas suffisamment développé pour que le Tribunal puisse l’utiliser pour fonder le génocide (J. §177e).

[39] Pour une archéologie précise, outre l’analyse d’Adrian Zenz pour le Tribunal, voir le dossier récemment publié par David Tobin disponible sur le site de l’université de Sheffield, et son livre, David Tobin, Securing China’s Northwest Frontier. Identity and Insecurity in Xinjiang, Cambridge University Press, 2020.

[40] Entretien avec Sir Geoffrey Nice.

Cloé Drieu

Historienne, chargée de recherche au CNRS (CETOBaC/Ehess)

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Notes

[1] Le texte du jugement est définitif, mais les références et les annexes sont encore en cours de préparation.

[2] Laquelle inclue les autres communautés musulmanes turciques (comme les Kazakhs, les Kirghizes).

[3] Comme le suggère le jugement, personne n’a encore essayé de contester la validité de cette réserve (J. §201).

[4] Dans le domaine académique, les recherches sont anciennes et nombreuses, voir la bibliographie de Uyghur Human Rights Project.

[5] Je remercie Aarif Abraham pour avoir insisté sur ce point dans un entretien du 30/05/2022. Ce dernier a répondu en tant qu’expert juridique sur des questions générales ayant trait aux tribunaux citoyens.

[6] Entretien avec Sir Geoffrey Nice, le 14/06/2022, qui a insisté sur ce point.

[7] Entretien avec Hamid Sabi, le 30/09/2021 (réalisé avec Guillaume Mouralis et Marine Mazel). La majeure partie des membres du Tribunal n’ont pas été rémunérés (J. §5). Sir Geoffrey Nice comme Hamid Sabi insistent sur ce point dans les entretiens.

[8] Le Tribunal a été lancé officiellement le 3 septembre 2020, avec l’assistance de Coalition for Genocide Response.

[9] Entretien avec Sir Geoffrey Nice, le 14/06/2022.

[10] Des sanctions similaires touchent aussi certains députés du Parlement européen ou de parlements nationaux en Europe, le Comité politique et de sécurité du Conseil de l’Union européenne ou la Sous-Commission des droits de l’homme du Parlement européen.

[11] À titre d’exemples : Dr. David Tobin (Université de Manchester), Dr. Rian Thum (Université de Manchester), Dr. Joanne Smith Finley (Université de Newcastle), et Pr. James Millward (Washington University).

[12] Ceux de Bar Human Rights Committee, Essex Court Chambers, Intercept, Newlines Institute, Human Rigths Watch, Amnesty Report, Australian Strategic Policy Institute (ASPI) et United Holocaust Memorial Museum.

[13] Entretien avec Hamid Sabi.

[14] Sur les extraditions et les pressions : rapport de UHRP ; audition de Laura Harth, le 13/09/2021 ; entretien avec Dolkun Isa, le 15/12/2021.

[15] Antoine Garapon, Des Crimes qu’on ne peut ni punir ni pardonner. Pour une justice internationale, Paris, Odile Jacob, 203, p. 166.

[16] « Other witness statements » (dernière consultation : 10/06/2022).

[17] Il s’agit de Gulbahar Jalilova et de Gulbahar Haitiwaji. Par ailleurs, il existe deux témoignages disponibles en français, voir la recension.

[18] Gulbahar Haitiwaji et Rozenn Morgat, Rescapée du goulag chinois, Paris, Équateurs, 244 p.

[19] Auditions de Muetter Illiqud, les 4/12/2021 et 12/09/2021, complétée trois entretiens, les 21/10/2021, 1/11/2021 et 13/12/2021).

[20] Les cagoules, les menottes et les chaînes aux pieds doivent être systématiquement mises : voir les consignes officielles, révélées par les Xinjiang Police Files, documents remis à Adrian Zenz puis à plusieurs journaux et analysés, entre autres, par Le Monde et la BBC.

[21] Entretien avec Hamid Sabi.

[22] Sayragul Sauytbay et Alexandra Cavelius, Condamnée à l’exil. Témoignage d’une rescapée de l’enfer des camps chinois, Paris, Hugo Doc, 2021, p. 222. Voir aussi son entretien publié dans Le Monde.

[23] Ibid., p. 223.

[24] Audition de John Packer et Yonah Diamond, le 11/09/2021.

[25] Le rapport de l’Institut Newlines pour la stratégie et la politique, en coopération avec le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, produit par une trentaine d’experts indépendants, a été publié en mars 2021. Il est rédigé en anglais et traduit en français.

[26] Voir les travaux du China Tribunal consacrés aux prélèvements d’organes sur les prisonniers de conscience (Falun Gong, prisonniers politiques), également présidé par Geoffrey Nice.

[27] Auditions de Muetter Illiqud, complétées par des entretiens.

[28] Pourraient aussi être incluses les structures comme les établissements psychiatriques par exemple, ce qui n’a pas été évoqué par le Tribunal, mais qui, dans les systèmes totalitaires, participent de la répression politique et du processus de destruction.

[29] Audition de Rahima Muhammad Nuri, le 11/09/2021.

[30] Échanges durant l’audition de J. Packer et Y. Diamond, le 11/09/2021.

[31] La version de 1947 prévoyait trois catégories de génocide – physique, biologique et culturel – et celle d’un comité ad hoc proposée dans une réunion (avril et mai 1948) retenait le « génocide physique et biologique » à l’article II, et le « génocide culturel » à l’article III (J. §161).

[32] Texte du jugement de Jean-Paul Akayesu, TPIR, 2/09/1998, §507. Son procès a eu lieu entre janvier 1997 et septembre 1998 et constitue un événement majeur pour le TPIR qui rend ainsi son premier jugement, Ornella Rovetta, « Le procès de Jean-Paul Akayesu. Les autorités communales en jugement », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 122-2, 2014, p. 51‑61.

[33] Adrian Zenz, « “End the Dominance of the Uyghur Ethnic Group”: An Analysis of Beijing’s Population Optimization Strategy in Southern Xinjiang », Central Asian Survey, 40-3, 2021, p. 291‑312 ; Adrian Zenz, Sterilizations, IUDs, and Mandatory Birth Control: The CCP’s Campaign to Suppress Uyghur Birthrates in Xinjiang, Washington D.C., The Jamestow Foundation, 2020 ; Nathan Ruser, James Leibold, « ‘Family de-planning’ report ».

[34] Raphaël Lemkin, Axis Rule in Occupied Europe, Clark, New Jersey, The Lawbook Exchange, 2008, p. 79.

[35] Politique officielle combinant : une immigration de population han vers la Région ouighoure ; les transferts/déplacements forcés des minorités ethniques de la Région ouighoure ; et la réduction des taux de natalité de la population ouighoure.

[36] Auditions d’Adrian Zenz, le 7/06/2021 ; de David Tobin, le 10/09/2021 et de Charles Parton, le 13/09/2021.

[37] Ces documents sont différents des « China Cables » publiés une semaine plus tard par l’International Consortium of Investigative Journalists (24 novembre 2019).

[38] Audition de Julie Millsap, le 11/09/2021. Entre 2017 et 2019, 880 000 enfants ont été transférés vers les écoles primaires et secondaires han ou internats pour une éducation entièrement en chinois (J. §126-128). Le droit international n’est pas suffisamment développé pour que le Tribunal puisse l’utiliser pour fonder le génocide (J. §177e).

[39] Pour une archéologie précise, outre l’analyse d’Adrian Zenz pour le Tribunal, voir le dossier récemment publié par David Tobin disponible sur le site de l’université de Sheffield, et son livre, David Tobin, Securing China’s Northwest Frontier. Identity and Insecurity in Xinjiang, Cambridge University Press, 2020.

[40] Entretien avec Sir Geoffrey Nice.