Colombie : victoire de la gauche, et après ?
Un président colombien de gauche assumée : le résultat de l’élection présidentielle colombienne est inédit. Durant le XXe siècle, des présidents issus du parti libéral ont pu revendiquer une sensibilité de gauche, mais jamais aucun président n’avait été issu des partis et mouvements sociaux se réclamant de la gauche politique.

Entre autres raisons, le conflit armé a souvent empêché l’avènement de la gauche au pouvoir. Durant la campagne présidentielle de 1990, trois candidats – Luis Carlos Galán, Carlos Pizarro et Bernardo Jaramillo – étaient assassinés. Les deux derniers sont issus des deux principales tendances de gauche de l’époque : les anciens guérilleros de M-19 pour Pizarro (un compagnon d’armes du nouveau président Gustavo Petro, donc) et l’Union patriotique pour Jaramillo. La guerre explique plus largement la stigmatisation de la gauche civile. Alors que les violences s’enlisent durant les années 1990, et que la guérilla des FARC – qui devient alors le groupe dominant – retourne ses armes contre des populations civiles, la droite accuse l’ensemble de la gauche de complicité avec les insurgés.
Certes, depuis l’accord de paix signé par le gouvernement et les FARC en 2016, l’État a été incapable de reprendre un contrôle réel des territoires marginaux du pays, où les insurgés avaient construit leur fief. En l’absence d’autorité, une multiplicité de groupes armés engagés dans l’économie de la cocaïne et dans d’autres trafics se font une concurrence très violente pour le contrôle du territoire. Mais, si l’accord de paix n’a pas durablement pacifié le pays, il a ouvert le champ politique à des débats qui ne sont plus surdéterminés par la question du conflit. Et c’est la droite qui en pâtit.
Depuis l’élection de l’ancien président Alvaro Uribe, la droite dure qu’il représente – l’uribisme – avait construit sa suprématie sur un discours d’ordre et sécurité. Premier parti au Congrès lors des élections législatives de 2018, le Centre démocratique, le parti