Littérature

Et le cinéma brûla – sur Antkind de Charlie Kaufman

Écrivaine

Charlie Kaufman, mondialement reconnu comme scénariste et cinéaste, livre avec Antkind un premier roman foisonnant où se mêlent littérature et théâtre de marionnettes, psychanalyse et hypnose, physique quantique et film d’animation. L’excentricité hurlante d’Antkind, véritable chant d’amour au cinéma, et le génie paranoïaque de son personnage ne s’épuisent pas au long des huit cent soixante pages, au contraire : le vertige s’accroît au fil des péripéties qui essaiment.

« Aujourd’hui nous voyons au moyen d’un miroir, d’une manière obscure… »
Première épitre aux Corinthiens, 13:12

Il y a du baroque, des volutes, des arabesques. Et il y a du feu : ça brûle toujours là où il faut, à l’endroit où le monde peut voler en éclats, là où l’air est le plus pur. Charlie Kaufman convoque le feu dès le début de son roman Antkind (2022), lorsque le film qui bouleverse la vie de B. Rosenberger Rosenberg (un opus magnum méconnu supposé changer aussi l’histoire de la cinéphilie) prend feu devant les yeux éberlués du personnage. Déjà auparavant, dans le film Synecdoche, New York, Hazel achetait une maison en feu. Ravie, elle y croyait à peine : elle aurait la plus belle maison du quartier, « et avec tout ce feu en plus ! »

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Né en 1958, mondialement reconnu comme scénariste (Dans la peau de John Malkovich ; Eternal Sunshine of the Spotless Mind) et cinéaste (Synecdoche, New York ; Anomalisa ; Je veux juste en finir), Charlie Kaufman s’est mis à écrire un livre, paraît-il, après l’échec de son dernier film. Telle est l’origine légendaire de Antkind, un premier roman foisonnant où se mêlent littérature et théâtre de marionnettes, psychanalyse et hypnose, physique quantique et cinéma d’animation.

Cela commence ainsi : B. Rosenberger Rosenberg, critique de cinéma raté et névrosé, mal aimé de sa compagne, découvre par accident un film d’animation monumental dirigé par un réalisateur inconnu. Après trois mois de projection de ce film à la radicalité indescriptible, il rêve de le révéler à ses pairs et imprimer ainsi sa trace dans le monde de la cinéphilie qui le boude depuis toujours. On y retrouve l’insolence indomptée de Charlie Kaufman, une culture à la fois étendue et particulière, une façon à lui de jouer la haine de soi, de parodier les traits de sa génération et le milieu hipster intello au même titre que la génération Z et tous les parangons de justicier numérique de notre temps.

La traduction de Claro pour les Éditions du sous-sol innerve


Gabriela Trujillo

Écrivaine, Directrice de la Cinémathèque de Grenoble