Rediffusion

Métavers incorporated

Maîtresse de conférences en sciences de la communication

De l’arrivée des GAFAM dans le « métavers » où s’échangent des objets via des « NFT » jusqu’au nouvel opus du film Matrix poursuivant le récit d’un monde virtuel dystopique, une déferlante d’innovations, vantées comme les plus actuelles, invitent à penser les connexions entre science-fiction et économie numérique. Elles promettent de démultiplier les échanges sociaux instrumentés par des casques et lunettes connectées, alors même que nous prenons conscience des limites de cette cosmo-ontologie de la vie casquée, dernier avatar du « colonialisme numérique ». Rediffusion du 8 février 2022

Métavers, Web 3.0, NFT… Tout un ensemble de notions et néologismes ont été lancés ces derniers mois promettant les contours du futur du numérique. Une actualité qui se trouve complétée par la sortie du nouvel opus du film Matrix, un meeting politique immersif, des annonces quotidiennes de lancement de métavers par telle ou telle enseigne ou le record des prix de l’immobilier dans ces mondes virtuels. Le réinvestissement de la notion de « métavers » – imaginée par l’auteur de science-fiction Neal Stephenson dans Snow Cash en 1992 – en Meta et la présentation de la stratégie de « réalité virtuelle sociale » est un bon terrain d’observation de l’écologie communicationnelle du numérique.

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Actualités du métavers : une chronologie techno-culturelle

Commençons par la presque fin de l’histoire, à savoir les dernières actualisations discursives et implémentations techniques du concept de métavers. Jusqu’à ce que Mark Zuckerberg annonce une nouvelle stratégie d’entreprise, la notion de métavers semblait relever de la culture geek et du monde vidéoludique. L’annonce le 28 octobre 2021 de la création d’une nouvelle supra-entité nommée Meta englobant toutes les activités de la firme, des réseaux sociaux et applications de messagerie sociale (Facebook, Instagram, WhatsApp) aux activités émergentes liées aux lunettes connectées « Stories » et au casque de « réalité virtuelle » Oculus Quest 2.

Ce dernier élément de la panoplie du métavers facebookien nous fait revenir en mars 2014, quand la firme rachète un projet à financement participatif – lancé en 2012 par une startup indépendante – et nous fait nous arrêter à Barcelone, le 21 février 2016, lorsque le directeur général de Facebook monte sur la scène du World Mobile Congress devant une salle entièrement casquée. Cette image frappante d’un public de journalistes équipés par le casque de VR mobile promue par Samsung (le « Gear VR ») a donné lieu à de nombreux détournements et commentaires. Elle a permis de réaliser une pr


[1] Habitat, considéré comme l’un des premiers métavers, est créé en 1986 au sein de Lucasfilm Games et consiste en un jeu massivement multijoueur dans un environnement graphique.

[2] Le samourai virtuel, Éditions Robert Laffon, 1996, p. 500

[3] Ibid., p. 29

[4] Ibid.

[5] William Gibson, Neuromancien, La Découverte, Paris, éd. française, 1985, p. 54

[6] Nous ne rentrons pas ici dans cette discussion qui a donné lieu à une conséquente littérature scientifique mais gardons l’appellation mainstream du marché et des médias qui n’interroge pas réflexivement la notion même de « virtuel » et sa fausse opposition à « réalité » puisque étymologiquement le « virtuel » s’oppose plus à « l’actuel » qu’au « réel ».

[7] À titre d’exemple, le 17 janvier 2022, 1 LD vaut 0.00274 EUR

[8] Decentraland, plateforme d’univers 3D, née suite à une ICO – levée de fonds au moyen d’actifs numériques via des registres comptables chiffrés (blockchains) et qui fonctionne grâce à la crypto-monnaie MANA est basé sur la blockchain Ethereum.

[9] NFT signifie « Non fungible token », soit « Jeton non fongible » ou non interchangeable. Un jeton est associé à un objet, à une œuvre, à un bien et permet de réaliser par le moyen des blockchains, ces registres de transactions financières chiffrées et distribués sur le réseau internet. Un jeton non fongible sur une blockchain authentifie techniquement la possession de l’œuvre, du bien, de l’objet. Le déclenchement d’une transaction sur certaines blockchains est déterminé par un contrat dit intelligent dans lequel peuvent être stipulés le prix, le nombre d’exemplaires et le droit de suite pour l’artiste ou de l’auteu.re de l’œuvre. Ces différentes fonctionnalités assurent aux éléments techniques embarqués dans un NFT la possibilité du développement d’un internet de la transaction avec des rémunérations cryptomonétaires pour les artistes.

[10] À lire sur le site de l’Electronic Frontier Foundation, ONG de défense des libertés numériques, co-créée par John Perr

Laurence Allard

Maîtresse de conférences en sciences de la communication, Université de Lille/IRCAV-Paris Sorbonne Nouvelle

Notes

[1] Habitat, considéré comme l’un des premiers métavers, est créé en 1986 au sein de Lucasfilm Games et consiste en un jeu massivement multijoueur dans un environnement graphique.

[2] Le samourai virtuel, Éditions Robert Laffon, 1996, p. 500

[3] Ibid., p. 29

[4] Ibid.

[5] William Gibson, Neuromancien, La Découverte, Paris, éd. française, 1985, p. 54

[6] Nous ne rentrons pas ici dans cette discussion qui a donné lieu à une conséquente littérature scientifique mais gardons l’appellation mainstream du marché et des médias qui n’interroge pas réflexivement la notion même de « virtuel » et sa fausse opposition à « réalité » puisque étymologiquement le « virtuel » s’oppose plus à « l’actuel » qu’au « réel ».

[7] À titre d’exemple, le 17 janvier 2022, 1 LD vaut 0.00274 EUR

[8] Decentraland, plateforme d’univers 3D, née suite à une ICO – levée de fonds au moyen d’actifs numériques via des registres comptables chiffrés (blockchains) et qui fonctionne grâce à la crypto-monnaie MANA est basé sur la blockchain Ethereum.

[9] NFT signifie « Non fungible token », soit « Jeton non fongible » ou non interchangeable. Un jeton est associé à un objet, à une œuvre, à un bien et permet de réaliser par le moyen des blockchains, ces registres de transactions financières chiffrées et distribués sur le réseau internet. Un jeton non fongible sur une blockchain authentifie techniquement la possession de l’œuvre, du bien, de l’objet. Le déclenchement d’une transaction sur certaines blockchains est déterminé par un contrat dit intelligent dans lequel peuvent être stipulés le prix, le nombre d’exemplaires et le droit de suite pour l’artiste ou de l’auteu.re de l’œuvre. Ces différentes fonctionnalités assurent aux éléments techniques embarqués dans un NFT la possibilité du développement d’un internet de la transaction avec des rémunérations cryptomonétaires pour les artistes.

[10] À lire sur le site de l’Electronic Frontier Foundation, ONG de défense des libertés numériques, co-créée par John Perr