Société

Inhumation des minorités religieuses : sortir de l’impasse identitaire

Politiste

La surmortalité des populations immigrées durant les deux premières vagues de l’épidémie de Covid 19 a mis en évidence de manière saillante que les cimetières communaux ne sont pas le reflet de la nation et que chaque citoyen n’y a pas forcément sa place dans le respect de ses convictions. Saisi suite à l’action d’un militant d’extrême droite visant à interdire les « carrés musulmans », le Conseil d’État vient de rejeter la recevabilité d’une telle requête.

Le jeudi 16 juin 2022, le Conseil d’État a été saisi par le tribunal administratif de Paris afin d’examiner une requête relative à l’aménagement des cimetières et aux regroupements confessionnels des sépultures. À l’origine de cette saisine, Marcel Girardin, un ancien élu de Voglans en Savoie. Ce dernier dénonce une pression séparatiste de la part des « Musulmans » pour la création ou l’agrandissement de carrés confessionnels et fustige une « vision religieuse ségrégationniste et discriminatoire, motivée par le rejet des chrétiens et autres non-musulmans […][1] ». Par ces motifs, il requiert l’annulation de deux chapitres de la circulaire dite Sarkozy du 19 février 2008 qui autorisent les regroupements de tombes de coreligionnaires[2].

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Auteur contributeur de médias d’extrême-droite, Monsieur Girardin avance une interprétation peu convaincante de ce qui motive les demandes d’espaces confessionnels musulmans, d’autant que son activisme contre lesdits espaces n’est pas nouveau. Au printemps 2020, il s’offusque déjà de l’initiative d’une plateforme collaborative musulmane appelant à écrire aux élus des communes françaises pour les sensibiliser au manque d’emplacements pour les défunts de confession islamique.

Pour rappel, la surmortalité des populations immigrées durant les deux premières vagues de l’épidémie de Covid 19[3] a mis en évidence de manière saillante que les cimetières communaux ne sont pas le reflet de la nation et que chaque citoyen n’y a pas forcément sa place dans le respect de ses convictions. L’éclairage médiatique de ce dramatique évènement s’est alors transformé en ressource politique pour interroger « l’impensé » de la mort dans l’immigration et les inégalités qu’il produit. En réaction, monsieur Girardin a appelé à se mobiliser contre les carrés pour, selon ses propres termes, « éviter un enracinement encore plus solide de ces populations exogènes sur la terre de France dont elles menacent déjà l’identité ethnoculturelle […] et finalement


[1] Marcel Girardin, « Le Conseil d’État validera-t-il l’illégalité des carrés musulmans ? », Riposte laïque, en ligne.

[2] Circulaire rédigée par Michèle Alliot-Marie alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.

[3] L’hypothèse d’une surexposition s’appuie sur les constats de la forte surmortalité en Seine-Saint-Denis qui a fait l’objet d’une étude approfondie. La population musulmane française appartient principalement aux classes populaires qui présentent un cumul de facteurs de risques (densité urbaine de l’habitat, conditions de logement avec des formes de cohabitation multigénérationnelles plus fréquentes que la moyenne, emplois dans les secteurs d’activité jugés « essentiels », conditions de santé plus dégradées par manque de revenus et à cause de la pénibilité des emplois occupés…).

[4] Il semble qu’ils soient appelés « carrés musulmans » en référence aux carrés militaires qui regroupaient les pierres tombales des militaires musulmans pendant la première guerre mondiale

[5] Pour plus d’information sur le bilan et les perspectives de la réglementation qui encadre les espaces confessionnels en France, voir : « Bilan et perspectives de la législation funéraire – Sérénité des vivants et respect des défunts » sur le site du Sénat.

[6] Nada Afiouni, « La gestion du pluralisme funéraire en France et en Grande-Bretagne. Les enjeux politiques, législatifs et identitaires ». Diversité urbaine, 2018, vol. 18, p. 31-45.

[7] Rapport d’information fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, 2006, p. 372.

[8] Compte-rendu de la mission parlementaire d’information sur les immigrés âgés, 28 mars 2013.

[9] Vade-mecum sur la laïcité de l’Association des maires de France, « Les lieux de culte et de sépulture », 2017, p. 19.

[10] Olivier Boissin, Pascale Trompette, Les services funéraires. Du monopole public au marché concurrentiel, Étude

Valérie Cuzol

Politiste, doctorante au Centre Max Weber, Université Lumière Lyon 2

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] Marcel Girardin, « Le Conseil d’État validera-t-il l’illégalité des carrés musulmans ? », Riposte laïque, en ligne.

[2] Circulaire rédigée par Michèle Alliot-Marie alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.

[3] L’hypothèse d’une surexposition s’appuie sur les constats de la forte surmortalité en Seine-Saint-Denis qui a fait l’objet d’une étude approfondie. La population musulmane française appartient principalement aux classes populaires qui présentent un cumul de facteurs de risques (densité urbaine de l’habitat, conditions de logement avec des formes de cohabitation multigénérationnelles plus fréquentes que la moyenne, emplois dans les secteurs d’activité jugés « essentiels », conditions de santé plus dégradées par manque de revenus et à cause de la pénibilité des emplois occupés…).

[4] Il semble qu’ils soient appelés « carrés musulmans » en référence aux carrés militaires qui regroupaient les pierres tombales des militaires musulmans pendant la première guerre mondiale

[5] Pour plus d’information sur le bilan et les perspectives de la réglementation qui encadre les espaces confessionnels en France, voir : « Bilan et perspectives de la législation funéraire – Sérénité des vivants et respect des défunts » sur le site du Sénat.

[6] Nada Afiouni, « La gestion du pluralisme funéraire en France et en Grande-Bretagne. Les enjeux politiques, législatifs et identitaires ». Diversité urbaine, 2018, vol. 18, p. 31-45.

[7] Rapport d’information fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, 2006, p. 372.

[8] Compte-rendu de la mission parlementaire d’information sur les immigrés âgés, 28 mars 2013.

[9] Vade-mecum sur la laïcité de l’Association des maires de France, « Les lieux de culte et de sépulture », 2017, p. 19.

[10] Olivier Boissin, Pascale Trompette, Les services funéraires. Du monopole public au marché concurrentiel, Étude