Société

L’exposome ou les risques d’une science des données environnementales

Philosophe

Entre santé et environnement, les liens sont désormais bien établis. Les individus sont plus ou moins exposés à l’environnement, cette exposition entraînant des risques pour leur santé, c’est ce qu’entend saisir le concept d’exposome. Les instruments permettant la mesure de ces risques se sont multipliés : applications de santé, de géolocalisation, de sport, cartes de fidélité et relevés en tout genre. Que faire, cependant, de toutes ces données ? Alors que la protection des données personnelles est sujette à de multiples litiges, il n’est pas exclu qu’elles servent à des fins de profilage individuel.

Dans les sciences de la santé, le concept d’exposome désigne depuis le milieu des années 2000 l’ensemble des expositions environnementales auxquelles sont soumis les individus de la conception jusqu’à la fin de la vie. En choisissant un terme qui fait écho au génome, les promoteurs de l’exposome entendaient améliorer l’évaluation du rôle des facteurs environnementaux dans le développement de certaines pathologies (asthme, maladies cardiovasculaires, cancers, etc.) et encourager, par la suite, la mise en place de stratégies de prévention plus efficaces.

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Cependant, la définition très large de l’exposome et les outils qui permettent de le mesurer – technologies dites « -omiques », applications de téléphones portables, etc. – laissent planer la menace d’une accumulation de données qui pourraient être utilisées pour disqualifier a priori les individus dont l’exposome serait jugé défavorable, et limiter ainsi leurs opportunités en termes d’accès à certains services, voire à certains emplois.  La question est alors de savoir si la science de l’exposome ne risque pas de préparer malgré elle un « Gattaca environnemental », à savoir un univers où les données environnementales pourraient venir alimenter une activité de profilage potentiellement liberticide.

L’exposome, un coup de projecteur sur le rôle de l’environnement dans la santé et la maladie

Le concept d’exposome a été estampillé en 2005 par Christopher Wild. À travers ce terme, l’épidémiologiste spécialiste du cancer souhaitait mettre en lumière le rôle des expositions environnementales dans le développement de certaines pathologies. Plus généralement, l’objectif des promoteurs du concept d’exposome était d’encourager une évaluation exhaustive et de longue durée des expositions environnementales pathogènes. Il s’agissait pour eux de dépasser les limites explicatives des études consacrées à un seul facteur environnemental – par exemple la pollution de l’air – et des recherches centrées sur le génome[1].

Le mot


[1] Élodie Giroux, « L’exposome : Vers une science intégrative des expositions ? », in Lato Sensu : Revue de la Société de philosophie des sciences, vol. 8, n° 3, 2021, p. 9-28.

[2] Christopher P. Wild, « The exposome: from concept to utility », International journal of epidemiology, vol. 41, no. 1, 2012, p. 24-32.

[3] Martine Vrijheid, « The exposome: a new paradigm to study the impact of environment on health », Thorax, n° 69, 2014, p. 876-878.

[4] Christopher P. Wild, « Complementing the genome with an “exposome” : the outstanding challenge of environmental exposure measurement in molecular epidemiology », Cancer epidemiology, biomarkers & prevention, vol. 14, n° 8, 2005, p. 1847-1850.

[5] Michelle C. Turner et al., « EXPOsOMICS : final policy workshop and stakeholder consultation », BMC Public Health, vol. 18, n° 260, 2018.

[6] Xavier Guchet, 2019, « De la médecine personnalisée à l’exposomique. Environnement et santé à l’ère des big data », Multitudes, vol. 75, no. 2, p. 72-80.

[7] Martie von Tongeren et John Cherrie, « An integrated approach to the exposome », in Environmental Health Perspectives, vol. 120, n° 3, 2012, p. 103-104

[8] Martine Vrijheid, « The exposome : a new paradigm to study the impact of environment on health », loc. cit.

[9] Éric Dagiral, et al., « Le Quantified Self en question(s). Un état des lieux des travaux de sciences sociales consacrés à l’automesure des individus », Réseaux, vol. 216, no. 4, 2019, p. 17-54.

[10] François Jacob, La logique du vivant, Paris, Gallimard, 1970.

[11] Peter Godfrey-Smith, « Information in Biology » in David L. Hull, Michael Ruse, (eds.),
The Cambridge Companion to the Philosophy of Biology, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 103-119.

 

Gaëlle Pontarotti

Philosophe, professeure au lycée Eugène Woillez et chercheuse à l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques

Notes

[1] Élodie Giroux, « L’exposome : Vers une science intégrative des expositions ? », in Lato Sensu : Revue de la Société de philosophie des sciences, vol. 8, n° 3, 2021, p. 9-28.

[2] Christopher P. Wild, « The exposome: from concept to utility », International journal of epidemiology, vol. 41, no. 1, 2012, p. 24-32.

[3] Martine Vrijheid, « The exposome: a new paradigm to study the impact of environment on health », Thorax, n° 69, 2014, p. 876-878.

[4] Christopher P. Wild, « Complementing the genome with an “exposome” : the outstanding challenge of environmental exposure measurement in molecular epidemiology », Cancer epidemiology, biomarkers & prevention, vol. 14, n° 8, 2005, p. 1847-1850.

[5] Michelle C. Turner et al., « EXPOsOMICS : final policy workshop and stakeholder consultation », BMC Public Health, vol. 18, n° 260, 2018.

[6] Xavier Guchet, 2019, « De la médecine personnalisée à l’exposomique. Environnement et santé à l’ère des big data », Multitudes, vol. 75, no. 2, p. 72-80.

[7] Martie von Tongeren et John Cherrie, « An integrated approach to the exposome », in Environmental Health Perspectives, vol. 120, n° 3, 2012, p. 103-104

[8] Martine Vrijheid, « The exposome : a new paradigm to study the impact of environment on health », loc. cit.

[9] Éric Dagiral, et al., « Le Quantified Self en question(s). Un état des lieux des travaux de sciences sociales consacrés à l’automesure des individus », Réseaux, vol. 216, no. 4, 2019, p. 17-54.

[10] François Jacob, La logique du vivant, Paris, Gallimard, 1970.

[11] Peter Godfrey-Smith, « Information in Biology » in David L. Hull, Michael Ruse, (eds.),
The Cambridge Companion to the Philosophy of Biology, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 103-119.