Italie : une contre-révolution rampante
Le malaise et la désorientation qui peuvent saisir l’observateur face aux différentes crises (économiques, politiques, culturelles, sociales et morales) que la société italienne traverse depuis trente ans sont décuplés par le sentiment que l’horizon s’éloigne, alors qu’il ne semble plus y avoir de rivage auquel s’accrocher. L’image d’un navire à la dérive, ou d’un bateau sans pagaie, est l’une des plus parlantes dans une période où il ne semble plus y avoir de vision de l’avenir. Nous sommes à la veille des élections italiennes – la marée noire continue de monter et l’inquiétude est palpable.

Selon The Economist, les élections du 25 septembre pourraient difficilement arriver à un moment moins opportun, au milieu d’au moins trois crises interconnectées : l’invasion de l’Ukraine, la crise énergétique et l’inflation, qui a atteint fin août 8,4 % dans la péninsule, son niveau le plus élevé depuis 1986. En outre, la dette de l’Italie représente actuellement 150 % de son PIB[1]. Enfin, comme l’a souligné le Financial Times, les gouvernements et les investisseurs s’interrogent sur l’impact qu’aura le départ de Mario Draghi sur les 800 milliards du fonds de relance Covid de l’UE, dont l’Italie est la principale bénéficiaire[2]. Les craintes des marchés économiques se focalisent également sur la hausse du spread, c’est-à-dire la différence entre le rendement des titres d’État italiens et celui des obligations allemandes à dix ans, qui a atteint en juin son plus haut niveau depuis deux ans, véritable « thermomètre politique ».
Le Président du Conseil sortant a annoncé le 5 août qu’il souhaitait se rendre à New York pour « rassurer les investisseurs », une démarche qui pourrait ouvrir la voie à un nouveau gouvernement « technique » dans le cas improbable où il n’y aurait pas de majorité suffisante pour former un exécutif après les élections ; une option privilégiée non seulement à l’étranger mais aussi en Italie par une partie importante de la bourgeoisie, qui soulig