International

Italie : une contre-révolution rampante

Historienne

Après la Suède, l’Italie ? Les sondages d’intentions de vote aux élections générales annoncent pour dimanche la victoire d’une coalition regroupant la droite et l’extrême droite. À l’approche du centenaire de la Marche sur Rome de Mussolini, le post-fascisme semble aux portes du pouvoir. Une contre-révolution sans processus révolutionnaire concomitant, un phénomène décrit en son temps par Antonio Gramsci comme une « révolution passive ».

Le malaise et la désorientation qui peuvent saisir l’observateur face aux différentes crises (économiques, politiques, culturelles, sociales et morales) que la société italienne traverse depuis trente ans sont décuplés par le sentiment que l’horizon s’éloigne, alors qu’il ne semble plus y avoir de rivage auquel s’accrocher. L’image d’un navire à la dérive, ou d’un bateau sans pagaie, est l’une des plus parlantes dans une période où il ne semble plus y avoir de vision de l’avenir. Nous sommes à la veille des élections italiennes – la marée noire continue de monter et l’inquiétude est palpable.

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Selon The Economist, les élections du 25 septembre pourraient difficilement arriver à un moment moins opportun, au milieu d’au moins trois crises interconnectées : l’invasion de l’Ukraine, la crise énergétique et l’inflation, qui a atteint fin août 8,4 % dans la péninsule, son niveau le plus élevé depuis 1986. En outre, la dette de l’Italie représente actuellement 150 % de son PIB[1]. Enfin, comme l’a souligné le Financial Times, les gouvernements et les investisseurs s’interrogent sur l’impact qu’aura le départ de Mario Draghi sur les 800 milliards du fonds de relance Covid de l’UE, dont l’Italie est la principale bénéficiaire[2]. Les craintes des marchés économiques se focalisent également sur la hausse du spread, c’est-à-dire la différence entre le rendement des titres d’État italiens et celui des obligations allemandes à dix ans, qui a atteint en juin son plus haut niveau depuis deux ans, véritable « thermomètre politique ».

Le Président du Conseil sortant a annoncé le 5 août qu’il souhaitait se rendre à New York pour « rassurer les investisseurs », une démarche qui pourrait ouvrir la voie à un nouveau gouvernement « technique » dans le cas improbable où il n’y aurait pas de majorité suffisante pour former un exécutif après les élections ; une option privilégiée non seulement à l’étranger mais aussi en Italie par une partie importante de la bourgeoisie, qui soulig


[1] Nikou Asgari et Ian Johnston, « Italy long-term borrowing costs stuck near eight-years high », Financial Times [FT], 28 juillet 2022.

[2] Amy Kazmin, « Doubts over Italy’s access to €800bn EU Covid fund after Mario Draghi’s exit », FT, 6 août 2022.

[3] Ibid.

[4] ISTAT, « Le statistiche dell’ISTAT sulla povertà. Anno 2021 », juin 2022.

[5] Lobby nera, Fanpage, 30 septembre 2021.

[6] Pour les résultats de 2018, Il Sole 24 ore, 23 mars 2018 ; pour les résultats de 2013, voir ici.

[7] Stefanie Prezioso, « La Lega, Salvini et le spectre du fascisme. Leçons d’Italie pour la France », Contretemps, 5 septembre 2022 (contretemps.eu).

[8] Ilvo Diamanti, Gli Italiani e lo Stato. Rapporto 2017 (demos.it).

[9] Ilvo Diamanti, Rapporto gli Italiani e lo Stato 2021 (demos.it).

[10] Pour les résultats de 2018, Il Sole 24 ore, 23 mars 2018 ; pour les résultats de 2013, voir ici.

[11] Giovanni Valenti, « Un « Cavaliere nero » per gli orfani del regime », La Repubblica, 24 novembre 1993.

[12] Rino Genovese, Che cos’è il berlusconismo, Rome, Manifestolibri, 2011.

[13] Fabrizio Cicchitto, « Forza Italia, da movimento a partito di governo », presentato al seminario « La Casa delle libertà. Radici e valori di un’alleanza nuova », Todi, 31 gennaio-1e febbraio 2003, cité in Gabriele Turi, La cultura delle destre. Alla ricerca dell’egemonia culturale, Torino, Bollati Boringhieri, 2013, p. 140.

[14] Francesco Biscione, Il sommerso della Repubblica. La democrazia italiana e la crisi dell’antifascismo, Turin, Bollati-Boringhieri, 2003.

[15] Chiara Colombini, Anche i partigiani però, Bari, Laterza, 2021.

[16] Pier Paolo Poggi, Nazismo e revisionismo storico, Rome, Manifesto libri, 1997, p. 112.

[17] Carlo Ruzza, « Italy : the political right and concepts of civil society », Journal of Political Ideologies, n°15, 2010, p. 264.

[18] Geoff, Eley, « Legacies of Antifascism : constructing democracy in Postwar Europe », New German Critique, n° 67, hiver 1996, pp. 73-100.

[19] Perry Anderson, « An i

Stéfanie Prezioso

Historienne, Professeure à l’Université de Lausanne

Notes

[1] Nikou Asgari et Ian Johnston, « Italy long-term borrowing costs stuck near eight-years high », Financial Times [FT], 28 juillet 2022.

[2] Amy Kazmin, « Doubts over Italy’s access to €800bn EU Covid fund after Mario Draghi’s exit », FT, 6 août 2022.

[3] Ibid.

[4] ISTAT, « Le statistiche dell’ISTAT sulla povertà. Anno 2021 », juin 2022.

[5] Lobby nera, Fanpage, 30 septembre 2021.

[6] Pour les résultats de 2018, Il Sole 24 ore, 23 mars 2018 ; pour les résultats de 2013, voir ici.

[7] Stefanie Prezioso, « La Lega, Salvini et le spectre du fascisme. Leçons d’Italie pour la France », Contretemps, 5 septembre 2022 (contretemps.eu).

[8] Ilvo Diamanti, Gli Italiani e lo Stato. Rapporto 2017 (demos.it).

[9] Ilvo Diamanti, Rapporto gli Italiani e lo Stato 2021 (demos.it).

[10] Pour les résultats de 2018, Il Sole 24 ore, 23 mars 2018 ; pour les résultats de 2013, voir ici.

[11] Giovanni Valenti, « Un « Cavaliere nero » per gli orfani del regime », La Repubblica, 24 novembre 1993.

[12] Rino Genovese, Che cos’è il berlusconismo, Rome, Manifestolibri, 2011.

[13] Fabrizio Cicchitto, « Forza Italia, da movimento a partito di governo », presentato al seminario « La Casa delle libertà. Radici e valori di un’alleanza nuova », Todi, 31 gennaio-1e febbraio 2003, cité in Gabriele Turi, La cultura delle destre. Alla ricerca dell’egemonia culturale, Torino, Bollati Boringhieri, 2013, p. 140.

[14] Francesco Biscione, Il sommerso della Repubblica. La democrazia italiana e la crisi dell’antifascismo, Turin, Bollati-Boringhieri, 2003.

[15] Chiara Colombini, Anche i partigiani però, Bari, Laterza, 2021.

[16] Pier Paolo Poggi, Nazismo e revisionismo storico, Rome, Manifesto libri, 1997, p. 112.

[17] Carlo Ruzza, « Italy : the political right and concepts of civil society », Journal of Political Ideologies, n°15, 2010, p. 264.

[18] Geoff, Eley, « Legacies of Antifascism : constructing democracy in Postwar Europe », New German Critique, n° 67, hiver 1996, pp. 73-100.

[19] Perry Anderson, « An i