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Le monarque britannique est-il le garant de l’unité du Royaume et du Commonwealth ?

Historienne

Les funérailles d’Elisabeth II en auront apporté la preuve : la mystique de la constitution britannique agit encore sur toute une partie des Britanniques et sur les peuples du monde entier. Mais pour combien de temps encore ? Est-ce par tradition ou par conviction que les Britanniques adhèrent (encore) aux principes de la monarchie constitutionnelle ?

Dans son grand ouvrage consacré à la constitution d’Angleterre, Walter Bagehot, co-fondateur du magazine libéral The Economist, écrivait : « L’utilité de la Reine, dans sa fonction dignitaire, est incalculable. Sans elle, en Angleterre, le gouvernement anglais actuel échouerait et périrait. » La reine en question était naturellement Victoria, mais on serait tenté de dire la même chose d’Élizabeth II qui vient de disparaître après soixante-dix ans de règne.

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La reine a-t-elle permis aux Britanniques de surmonter les effets conjugués de la crise du Brexit et de l’épidémie de Covid 19 ? N’a-t-elle pas assuré la continuité de l’État dans la tourmente gouvernementale de ces derniers mois, et n’a-t-elle pas accompli son devoir jusqu’au bout pour désigner le successeur de Boris Johnson, ainsi que le veut la coutume ? Autrement dit, le monarque anglais est-il le garant de l’intégrité de la nation et du Commonwealth ?

La doxa constitutionnelle

Bagehot publie The English Constitution en 1867, l’année même où nombre de sujets britanniques accèdent à la représentation politique et deviennent de ce fait des citoyens. Par la seconde loi de réforme (Reform Act) l’ensemble de la classe moyenne ainsi que la frange supérieure de la classe ouvrière acquièrent ainsi le droit d’élire les membres des Communes. Le système restait censitaire et tenait à l’écart le reste des ouvriers, les employés de maison par définition sans domicile fixe, sans parler de l’ensemble de la population féminine.

Mais pour les plus conservateurs, cette extension du droit de vote s’apparente néanmoins à un « saut dans l’inconnu » (a leap in the dark). Le Royaume-Uni ne risque-t-il pas de se désintégrer sous l’effet de cette poussée démocratique ? Le dix-neuvième siècle voit, de fait, le déclin de l’aristocratie représentée à la Chambre des lords et la balance pencher en faveur de la Chambre des communes : on perçoit bien qu’étant plus représentative des intérêts et des aspirations de la majorité, son r


[1] Edouard Tillet, « La Constitution anglaise, un modèle politique et institutionnel dans la France des Lumières », Presses Universitaires d’Aix Marseille, 2001.

[2]Robert Booth, « Secret papers show extent of senior royals’ veto over bills », The Guardian, 15 janvier 2013.

[3]Christy Cooney & George Bowden, « Arrests of Protests Prompt Free-Speech Concerns », BBC News, 14 septembre 2022. Mallika Soni, « Not my King anti-monarchy protests in Britain explained », Hindustan Times, consulté le 15 septembre 2022.

[4] Louise Huet, « Mort d’Elizabeth II. Le Commonwealth : vrai instrument d’influence diplomatique ? », RFI, 10 septembre 2022, consulté le 15 septembre. Nadia Bouchenni, « Décès d’Elizabeth II. La monarchie met du temps à regarder en face son passé colonial », TV5 Monde, 11 septembre 2022, consulté le 16 septembre 2022.

[5] 243 intellectuels étaient signataires de la pétition, parmi lesquels Jan Patocka, Havel, and Jiry Hajek.

[6] Voir par exemple la rétrospective par l’un des fondateurs du groupe Anthony Barnett. Charter 88 poursuit ses activités au sein d’un nouveau mouvement baptisé Unlock Democracy.

[7] R (on the application of Miller) (Appellant) v The Prime Minister (Respondent) ; Cherry and others (Respondents) v Advocate General for Scotland (Appellant) (Scotland), UKSC, 24 septembre 2019.

[8] Isabelle Kirk, « Platinum Jubilee: where does public opinion stand on the monarchy? », You Gov, 1er juin 2022, consulté le 16 septembre 2022.

 

Myriam-Isabelle Ducrocq

Historienne , Maître de conférences HDR en civilisation britannique à l’Université Paris Nanterre

Notes

[1] Edouard Tillet, « La Constitution anglaise, un modèle politique et institutionnel dans la France des Lumières », Presses Universitaires d’Aix Marseille, 2001.

[2]Robert Booth, « Secret papers show extent of senior royals’ veto over bills », The Guardian, 15 janvier 2013.

[3]Christy Cooney & George Bowden, « Arrests of Protests Prompt Free-Speech Concerns », BBC News, 14 septembre 2022. Mallika Soni, « Not my King anti-monarchy protests in Britain explained », Hindustan Times, consulté le 15 septembre 2022.

[4] Louise Huet, « Mort d’Elizabeth II. Le Commonwealth : vrai instrument d’influence diplomatique ? », RFI, 10 septembre 2022, consulté le 15 septembre. Nadia Bouchenni, « Décès d’Elizabeth II. La monarchie met du temps à regarder en face son passé colonial », TV5 Monde, 11 septembre 2022, consulté le 16 septembre 2022.

[5] 243 intellectuels étaient signataires de la pétition, parmi lesquels Jan Patocka, Havel, and Jiry Hajek.

[6] Voir par exemple la rétrospective par l’un des fondateurs du groupe Anthony Barnett. Charter 88 poursuit ses activités au sein d’un nouveau mouvement baptisé Unlock Democracy.

[7] R (on the application of Miller) (Appellant) v The Prime Minister (Respondent) ; Cherry and others (Respondents) v Advocate General for Scotland (Appellant) (Scotland), UKSC, 24 septembre 2019.

[8] Isabelle Kirk, « Platinum Jubilee: where does public opinion stand on the monarchy? », You Gov, 1er juin 2022, consulté le 16 septembre 2022.