Politique

Radicalité ou modération, travail ou assistance : où est la gauche ?

Philosophe

En défendant l’idée que le désir d’égalité réelle débouche sur la dictature des minorités, une gauche autoproclamée républicaine rejoint la droite conservatrice. A ce raidissement républicain, il s’agit d’opposer la légitimité d’aspirations émancipatrices, de demandes de reconnaissance indispensables pour que les membres des minorités puissent se mouvoir plus librement dans la société. Un combat en faveur du refus de confondre les proclamations égalitaristes et les conditions effectives de la liberté et de l’égalité.

publicité

Le discours sur les « valeurs républicaines » obstinément véhiculé par certains membres du gouvernement actuel et des gouvernements du précédent quinquennat provoque d’étranges regroupements politiques qui conduisent à s’interroger sur le sens des notions de droite et de gauche mais aussi, plus largement, sur la notion de radicalité dont une partie de la gauche est aujourd’hui accusée.

L’histoire d’une vision conservatrice contre l’égalité

Historiquement, la droite conservatrice française n’a jamais varié depuis le début du XIXe siècle. Sauf peut-être au lendemain de la deuxième guerre mondiale, en donnant son adhésion contrainte au programme du Conseil national de la Résistance, elle n’a jamais voulu reconnaître la moindre fissure dans l’idée que le peuple ne peut être considéré que comme une entité homogène d’où les différences seraient expulsées.

La droite n’a jamais transigé avec l’idée que, hors l’égalité des droits la plus formelle, la notion même d’égalité n’avait aucune signification et, sur ce chapitre, son discours est bien connu. Pour elle, vouloir une égalité plus que formelle, c’est vouloir que les uns soient mis au service des autres, c’est prôner une forme de servitude, c’est confondre la liberté avec l’égalité, le droit de faire avec le pouvoir de faire.

La république garantit la liberté ou le droit de faire mais elle ne saurait garantir à chacun l’absurde droit de réussir. Si certains ont le pouvoir effectif de faire ce qu’ils ont le droit de faire, ils le doivent à leurs mérites personnels et à leur travail, mais il n’appartient certainement pas à l’État de compenser ces différences naturelles et inévitables entre les individus. Non seulement ce n’est pas sa fonction, mais il contredirait la liberté autant que l’égalité en contraignant les uns à subventionner les difficultés ou les échecs des autres.

Ce discours appelle deux observations.

La première est qu’il était plausible dans le moment révolutionnaire français, lorsque l’égalité des


[1] Voir également : « Lycée fermé pour « séparatisme » : deux ans d’accusations kafkaïennes, un dossier toujours vide », Mediapart, 28 septembre 2022.

 

Jean-Fabien Spitz

Philosophe, Professeur émérite à la Sorbonne

Mots-clés

Gauche

Notes

[1] Voir également : « Lycée fermé pour « séparatisme » : deux ans d’accusations kafkaïennes, un dossier toujours vide », Mediapart, 28 septembre 2022.