La laïcité travestie ou les infortunes de l’identité
Assiste-t-on, comme le dénonce Danièle Sallenave, à un tournant identitariste des intellectuels français ? Il est fortement permis de le croire tant l’un des plus précieux outils de l’émancipation, la laïcité, a tragiquement été transformé, ces dernières années, en marqueur identitaire.
La France, longtemps incarnation idéaltypique de l’universalisme des droits de l’homme, autorise, voire valorise, l’expression d’un inquiétant malaise face à l’altérité que les oripeaux « républicains » ne parviennent plus à dissimuler. Cette crispation accentue ce que Jean-Marc Ferry a suggestivement nommé la « disjonction de l’universel et du commun » opérée par un « républicanisme de combat », lequel confond sacralisation de la nation et amour de la République, et invoque la laïcité comme un rempart contre le fondamentalisme.
Une laïcité identitaire
Cette situation est d’autant plus préoccupante que l’approche identitaire de la laïcité est, avec des nuances, revendiquée aussi bien à gauche qu’à droite, imposant mezza voce l’idée d’une différence fondamentale entre « nous » et des populations, essentiellement définies comme musulmanes, accusées de se tenir à l’écart des références communes de la société française. Les « élites », hélas, n’échappent pas à ce « ré-enracinement nationaliste de la conscience occidentale », selon la très juste expression de Philippe Portier [1]. L’expression de catho-républicanisme, que l’on doit à Cécile Laborde, et qui est une catégorisation assez correcte de l’idéologie du Printemps républicain, exprime parfaitement cette trahison de l’idéal universaliste du républicanisme classique. Dans le même sens, Étienne Balibar décrit une laïcité qui « doit servir à l’assimilation des populations d’origine étrangère (ce qui veut dire en clair : coloniale et postcoloniale), toujours encore susceptibles, du fait de leurs croyances religieuses, de constituer un “corps étranger” au sein de la nation ».
Alors que la laïcité, selon la loi de 1905, représe