Contre toute attente
Comme je vous rejoignais au salon et que, quittant la fenêtre, vous avanciez vers moi ; comme je vous demandais « que faisiez-vous ? » – « je regardais la vue », votre visage très tourné vers le mien, votre sourire très grand, j’ai perçu quelque chose venant de vous qui n’y était pas l’instant d’avant.
Votre corps et le mien ont rejoint ensemble l’embrasure de la porte, s’y sont arrêtés. Le mien s’apprêtait à vous laisser passer ; il était bientôt l’heure pour vous de repartir.
Tandis que je vous regardais vous arrêter à ma hauteur, il m’a semblé voir, venant de votre visage, une intention nouvelle, qui n’y était pas au moment de vous laisser seul au salon quelques minutes avant. Mon corps d’abord l’a éprouvé. J’ai hésité à comprendre de quel ordre elle était, bien que sachant déjà. Quelque chose de vous contre toute attente approchait, un désir, le vôtre, dont j’avais pourtant tenu à distance la possibilité, m’interdisant de l’imaginer, et le contraindre plus encore, ou le provoquer.
Si votre désir venait, qu’il émane de vous seul et non comme un fruit de mon imagination ou de mon empressement ou de ma capacité à le créer chez vous. Rien de plus simple, on le sait, plus éphémère, volatile, qu’un désir suscité par le théâtre des avances et des suggestions que j’aurais pu faire naître. Vous envelopper, j’aurais pu, vous séduire vous conquérir vous entraver. Je m’y refusais. Une distance d’âge suffisante nous séparait pour que votre désir ne puisse et ne doive venir que de vous. Ni effet d’épaule ni parures ; je vous avais prévenu, je serai sans escarpins ni talons. Nous étions dimanche, nous avions prévu d’aller marcher ; que votre désir se manifeste éventuellement mais alors il émanerait de vous davantage que de mes seuls atouts, de mes seuls atours, de mes seuls tours de force, de roue, de prestidigitation.
J’ai presque interrompu mon geste devant l’embrasure de la porte en éprouvant ce regard que vous portiez sur moi, du désir s’arrêtant à son objet avant de l