Penser les chemins de fer comme bien commun
Avec la réforme en cours de la SNCF, la dernière bataille du rail a commencé et son issue semble – hélas – plus que certaine. Toute une opération d’envergure est en effet conduite contre le chemin de fer lui-même, ou plutôt contre une conception traditionnelle de gestion du secteur jugée trop coûteuse et inadaptée, voire antimoderne. De telles critiques à l’égard de la SNCF, autrefois symbole national, ne sont pas nouvelles. Déjà dans les années 1950, Jean Monnet dénonçait la figure du cheminot « endormi dans sa sécurité », véritable « fardeau pour l’économie »[1]. Mais l’ampleur des attaques à l’encontre de l’entreprise publique est aujourd’hui sans commune mesure, comme en témoigne le « cheminot bashing » sur les réseaux sociaux, en passe de s’institutionnaliser.
Cette dégradation de l’image de la SNCF au cours des deux dernières décennies est, d’une certaine manière, paradoxale. C’est justement au moment où la direction intensifie la rationalisation de la gestion de l’entreprise et réussit à dégager des bénéfices en misant sur les activités les plus rentables que la SNCF est la plus vivement critiquée. Cette réussite commerciale a certes un revers puisqu’elle aboutit à une dégradation de la qualité du service ferroviaire sur certains lignes déficitaires et délaissées. C’est comme si, en jouant le jeu du marché, la compagnie ferroviaire s’était tirée une balle dans le pied. Comme si, en prenant pour modèle la gestion des firmes privées, l’entreprise publique s’était retrouvée responsable de son destin et de ses problèmes financiers. Car, de fait, les marges bénéficiaires annuelles de quelques centaines de millions d’euros peinent à cacher un problème plus profond : celui de la dette ferroviaire, qui n’a jamais été aussi élevée et qui atteint en 2017 près de 55 milliards d’euros.
Une nouvelle loi d’airain : les mesures comptables comme diagnostic de la crise
D’où viennent les difficultés financières de la SNCF ? Et comment y remédier ? À cette question,