Punir, toujours plus – et plus durement
Un sondage de l’Ifop pour la Fondation Jean Jaurès sur « Les Français et la prison » réalisé les 27 et 28 mars 2018 indique, nous apprend-on, que nos compatriotes souhaitent des conditions de détention plus sévères : 50 % des personnes interrogées trouvent les prisonniers « trop bien traités », tandis que seulement 17 % les estiment « pas assez bien traités ». Il s’agit là d’une évolution spectaculaire, nous dit-on encore, puisqu’au début de l’année 2000, la même question donnait des résultats presque inverses : 18 % des personnes sondées considéraient les détenus « trop bien traités », alors que pour 44 % d’entre elles, ils n’étaient « pas assez bien traités ». Examinés dans le détail, les chiffres établissent que les jeunes et les ruraux se montrent plus implacables que les retraités et les urbains, que l’inflexibilité est la plus forte parmi les ouvriers et les travailleurs indépendants, enfin que plus on est à droite et plus on se révèle insensible, mais de manière plus inattendue aussi, que les sympathisants du centre s’avèrent moins enclins que ceux de l’extrême gauche à croire le système pénitentiaire trop bienveillant – effet probablement pour partie de la distribution sociale de ces affinités politiques.
Comment interpréter les données de cette enquête ? Sans remettre en cause la légitimité de ce type d’instrument, il n’est pas inutile de rappeler avec Pierre Bourdieu que « l’opinion publique n’existe pas ». Chacun le sait, le sondage formule des questions qu’on ne se posait pas jusqu’alors et suggère des réponses qui ne recoupent pas l’ensemble de celles possibles. Mais surtout, il se pratique dans des circonstances liées à une conjoncture sociale ou politique particulière qui en détermine largement les résultats.
Ainsi l’enquête de janvier 2000 avait-elle été conduite quelques jours après la publication des bonnes feuilles du livre de Véronique Vasseur Médecin-chef à la prison de la Santé. L’émotion suscitée par les descriptions de la violence,