La bataille du rail passera-t-elle par les urnes ?
La consultation organisée par la direction d’Air France en avril dernier, qui cherchait à faire désavouer le mouvement de grève pour les salaires par une présumée « majorité silencieuse », s’est retournée contre elle, conduisant son PDG Jean-Marc Janaillac à la démission. Peu après, l’intersyndicale de la SNCF annonçait le lancement d’une « vot’action » : plus de 500 bureaux de vote ouverts par les syndicats pour permettre aux cheminots de se prononcer sur le « pacte ferroviaire » du gouvernement. Le recours au vote serait-il devenu l’arme des grévistes ?
Dans une circulaire destinée à ses militants, la fédération CGT présente la consultation comme un moyen de « faire vivre la démocratie sociale au sein de la SNCF » [1]. Alors que, dans la période récente, la CFDT s’est plutôt tournée vers l’organisation de sondages par questionnaires ciblés auprès des salariés, c’est surtout la CGT qui a investi le registre du vote. Cette appropriation du vote n’allait pas de soi, car il engage tout un rituel civique, avec ses dispositifs matériels (l’urne et le bulletin en premier lieu) et son idéal d’une démocratie dépassionnée, fondée sur l’agrégation d’opinions privées, très éloigné de l’imaginaire de la lutte des classes.
Au cours des années 1990, tirant le bilan de la décennie précédente, les dirigeants de la CGT engagent la confédération dans un aggiornamento idéologique qui accorde une place centrale à la « démarche démocratique » [2]. L’insistance mise sur l’implication des salariés dans les orientations syndicales, et le développement d’une stratégie centrée sur la sphère des relations professionnelles, visent à combattre l’image du syndicat courroie de transmission du Parti communiste. Après le traumatisme des années Mitterrand et dans un contexte où s’éloigne la perspective d’une autre société, il s’agit pour le syndicat de se relégitimer par la négociation collective, sans attendre l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement allié.
C’est d’abord sous la pression