International

En Turquie, les voyages extraordinaires d’Erdoğan (3/3)

Historien

À quelques jours d’un scrutin qui s’annonce serré et à l’issue duquel Erdogan entend bien rester au pouvoir, le dernier volet de cette série d’articles revient sur le parcours de cet islamiste militant, nationaliste et anti-occidental qui voyagea au pays du libéralisme pro-européen avant de faire marche arrière. Il s’agira d’essayer de comprendre comment l’islamisme et le nationalisme ont pu fonctionner ensemble rendant possible une dérive autoritaire qui a entraîné la Turquie au bord de la faillite.

Les fondateurs de l’AKP, Recep Tayyip Erdoğan, Abdullah Gül, Bülent Arınç, et tout particulièrement Ismail Kahraman, l’actuel président de l’Assemblée nationale, sont les produits de la formation idéologique de l’Union Nationale des Étudiants Turcs (UNET en Français, MTTB en Turc pour Milli Türk Talebe Birliği), pur produit de la fusion de l’islamisme avec le totalitarisme nationaliste de l’État républicain, mais aussi de la propagande de Necip Fazıl dans sa revue Grand Orient et de la mouvance de Erbakan.

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Dès sa fondation au début des années 30, en cohésion avec le concept de régime de parti unique, le support médiatique de l’UNET, la revue Birlik, désignait « les missionnaires », « les communistes » et « les drogués » comme étant des ennemis de l’État. À la suite de la campagne contre ceux qui accrochaient des drapeaux sales et usés au « Mémorial des martyrs à Çanakkale », l’UNET réalisa une autre campagne en 1933, « Citoyen, parle turc ! », grâce à laquelle elle adhéra aussi au mouvement de « turquisation », déclenché par la théorie de « Langue Soleil », affirmant que le turc était à l’origine de toutes les langues du monde (y compris celle de Mu et de l’Atlantide). En 1945, ils étaient parmi ceux qui détruisirent l’imprimerie et les bureaux de la revue Tan (de tendance gauche) ; ils programmèrent des semaines pour célébrer Atatürk dans les universités, des tournois de foot pour contribuer aux monuments à construire.

C’est avec l’UNET que commencèrent les célébrations de l’anniversaire de la conquête d’Istanbul, le 29 mai (date bien entendu fictive). L’UNET soutint le coup d’État du 27 mai 1960, mit sur pied des meetings et des rassemblements pour saluer l’armée, sauveur de la nation et de l’État. Entre 1961 et 1965, l’organisation vira ouvertement à l’antisémitisme ; un peu partout, furent organisés des rassemblements pour « condamner le communisme » et pour « condamner le Juif ». En 1967, Ismail Kahraman devint le président de l’UNET et la dose de ké


[1] Comme par exemple le port du foulard islamique des femmes. Cf. les travaux pionniers de Nilüfer Göle, Musulmanes et modernes : voile et civilisation en Turquie, éditions La Découverte, 2003 (l’original en turc est paru en 1991).

[2] Le seul ouvrage en français sur le PKK fut vieux de douze ans (Cf. Sabri Ciğerli et Didier Le Saout, Öcalan et le PKK : les mutations de la question kurde en Turquie et au Moyen-Orient, Maisonneuve et Larose, 2005) jusqu’à la publication récent du méticuleux travail d’Olivier Grojean, La Révolution Kurde, Le PKK et la fabrique d’une utopie, La Découverte, 2017.

[3] Pour la suite de ces affaires, cf. l’arrestation d’un des protagonistes Reza Zerrab en Floride ; et récemment, le tribunal de New York a émis une décision d’arrestation pour l’un des quatre ministres de l’affaire 17-25 Décembre, Zafer Çağlayan pour avoir reçu 45 millions de dollars de Reza Zerrab. Plusieurs papiers du journal Le Monde ont couverts cet affaire. Cf. aussi les révélations récentes des Malta Files, publiées par Mediapart et l’EIC.

Levent Yilmaz

Historien, Professeur d'histoire intellectuelle et culturelle

Notes

[1] Comme par exemple le port du foulard islamique des femmes. Cf. les travaux pionniers de Nilüfer Göle, Musulmanes et modernes : voile et civilisation en Turquie, éditions La Découverte, 2003 (l’original en turc est paru en 1991).

[2] Le seul ouvrage en français sur le PKK fut vieux de douze ans (Cf. Sabri Ciğerli et Didier Le Saout, Öcalan et le PKK : les mutations de la question kurde en Turquie et au Moyen-Orient, Maisonneuve et Larose, 2005) jusqu’à la publication récent du méticuleux travail d’Olivier Grojean, La Révolution Kurde, Le PKK et la fabrique d’une utopie, La Découverte, 2017.

[3] Pour la suite de ces affaires, cf. l’arrestation d’un des protagonistes Reza Zerrab en Floride ; et récemment, le tribunal de New York a émis une décision d’arrestation pour l’un des quatre ministres de l’affaire 17-25 Décembre, Zafer Çağlayan pour avoir reçu 45 millions de dollars de Reza Zerrab. Plusieurs papiers du journal Le Monde ont couverts cet affaire. Cf. aussi les révélations récentes des Malta Files, publiées par Mediapart et l’EIC.