Justice

Génocide des Tutsi du Rwanda, un attentat et des écrans de fumée

Historien

Plusieurs dossiers judiciaires relatifs au Rwanda et instruits en France ont considérablement évolué ces dernières semaines. D’abord avec le non-lieu requis par le procureur de la République dans l’affaire de l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana. Puis, ces derniers jours, une vidéo diffusée par Mediapart est venu apporter un nouvel élément à charge contre les officiers français accusés de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité, notamment pour leur passivité au moment du massacre de Bisesero. Décidément, la « question rwandaise » est bien aussi une « question française ».

Le 10 octobre dernier, le procureur de la république du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris requérait un non-lieu dans l’affaire concernant sept Rwandais, proches ou anciens proches de Paul Kagame au pouvoir au Rwanda. Tous étaient mis en examen pour leur rôle supposé dans l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana abattu par deux missiles au moment d’atterrir à l’aéroport de Kigali au soir du 6 avril 1994. La nuit suivante commençait l’élimination de l’opposition politique modérée et l’extermination des Tutsi, dans ce qui allait devenir le dernier génocide du XXe siècle.

L’affaire court depuis 20 ans, depuis qu’en 1998, les familles des trois membres français de l’équipage avaient porté plainte, conduisant le pôle antiterroriste du TGI de Paris à se saisir du dossier. Parmi les thèses échafaudées pour identifier les auteurs de l’attentat, les deux plus sérieuses désignent tantôt des extrémistes hutu soucieux de se débarrasser d’un président prêt à leurs yeux à de trop larges concessions, tantôt le Front patriotique rwandais (FPR), mouvement contrôlé par Paul Kagame et qui depuis octobre 1990 menait une lutte armée contre les forces gouvernementales, au nom notamment du droit au retour des centaines de milliers de Tutsi réfugiés dans les pays voisins en raison des discriminations et des violences qu’ils subissaient depuis la fin des années 1950.

En 2006, à l’issue d’une instruction dont il a été dit qu’elle avait été menée uniquement à charge, le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière avait accusé le FPR d’avoir organisé l’attentat, afin d’obtenir « une victoire totale […] au prix du massacre des Tutsi dits « de l’intérieur » ». Il délivra neuf mandats d’arrêts internationaux contre des personnalités de premier plan présentées comme les principaux commanditaires, organisateurs et exécutants des tirs de missiles. Paul Kagame, en vertu de son immunité de chef d’Etat, n’était pas poursuivi, mais Jean-Louis Bruguière suggérait que le Tribunal p


[1]  Des deux dernières personnes visées par Bruguière en 2006, l’une était réputée décédée, et l’autre, Faustin Nyamwasa Kayumba était passée à l’opposition et s’était réfugiée en Afrique du Sud.

[2]  Il est depuis mort de maladie, en 2010.

Florent Piton

Historien, Doctorant en histoire de l’Afrique, Université Paris Diderot

Notes

[1]  Des deux dernières personnes visées par Bruguière en 2006, l’une était réputée décédée, et l’autre, Faustin Nyamwasa Kayumba était passée à l’opposition et s’était réfugiée en Afrique du Sud.

[2]  Il est depuis mort de maladie, en 2010.