Economie

Macron ou la flexi-insécurité

Économiste

Promulguée il y a peu, la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » consacre le modèle de flexi-insécurité porté par Emmanuel Macron. Visant à caser les chercheurs d’emplois dans des secteurs « en tension », elle se soucie peu de leur avenir social et professionnel. Le macronisme, loin d’être un humanisme, apparaît comme le nouveau catéchisme comptable de l’action publique.

Nous avons abordé dans AOC le 4 juin dernier la réforme dite « Liberté de choisir son avenir professionnel » dans son volet Formation professionnelle continue (FPC) [1]. Il n’est pas inutile d’y revenir, depuis la promulgation de ladite loi le 5 septembre dernier, tant elle nous semble illustrer la « philosophie » de l’exécutif. Rappelons ici simplement que cette loi était censée constituer le volet de sécurité professionnelle venant compléter sinon équilibrer la flexibilité accrue du marché du travail organisée par les « ordonnances travail » de 2017. Or cette promesse n’est non seulement pas tenue mais consacre un modèle de flexi-insécurité généralisée pour les acteurs de la FPC comme pour ses bénéficiaires.

Sous prétexte de simplification du système – un vrai sujet – la loi vient le compliquer davantage en créant de nouveaux acteurs : l’agence publique France Compétences censée chapeauter, financer et évaluer le système, ses déclinaisons régionales sous la forme obscure de Commissions Paritaires Interprofessionnelles Régionales – sous l’acronyme parlant de CPIR – l’URSSAF (comme collecteur des contributions employeurs), la Caisse des dépôts et consignations…. Surtout, le bouleversement de l’écosystème est tel qu’une phase de transition s’ouvre d’ici à 2020 a minima. L’illustration la plus flagrante en est donnée par la réforme des vingt Organismes Paritaires Collecteurs Agréés, émanation jusqu’ici des différentes branches professionnelles dans la gestion des fonds de la formation professionnelle continue. Il leur est demandé, dans le même temps, de devenir Opérateurs de Compétences, de prendre en charge, au détriment des Régions, l’alternance et l’apprentissage [2], et de fusionner selon une logique sectorielle pour ne plus être que 10 ou 11 [3] tout au plus.

En d’autres termes : changements de métier, de compétences et de périmètre, le tout dans un contexte d’évolution renouvelé et non encore stabilisé. Cette triple injonction, voire « rationalisation », condui


[1] Quelques chiffres parlants sur ce système tant décrié : 25 millions de stagiaires par an pour 43 heures de formation en moyenne, dont 9% sont des chercheurs d’emploi (plus de 100 heures de formation en moyenne pour ce public) ; le marché, presque exclusivement privé, pèse 15 milliards d’euros, hors fonction publique.

[2] Cela mériterait en soi un débat mais notons simplement ici que les Régions encourageaient les Centres de Formation d’Apprentis à conserver un socle conséquent de formation générale, ce qui risque de ne plus être le cas dans le nouveau schéma.

[3] Un exemple parmi d’autres de cette nouvelle rationalisation : l’OPCA du travail temporaire, le FAF TT, est invité à fusionner avec les branches de la propreté et de la sécurité… vision ô combien stigmatisante de l’intérim.

[4] D’autant qu’il consacre un crépuscule du paritarisme au mépris, par exemple, des travaux éclairants sur ces sujets du Comité National Emploi Formation et Orientation Professionnelle, où siégeaient les partenaires sociaux employeurs/employés, et de l’action souvent très innovante du FPSPP (Fons paritaire de sécurisation des parcours professionnels).

[5] Le Capitalisme utopique. Histoire de l’idée de marché, Pierre Rosanvallon, Le Seuil, 1999.

[6] Serpent de mer des 30 dernières années avec toujours les mêmes secteurs d’activité : bâtiment et travaux publics, industrie, café, hôtellerie, restauration, services à la personne, etc.

[7] Voir David Graeber, Bullshit Jobs : A Theory, Simon and Shuster, 2018.

[8] D’autant plus que l’exécutif a d’emblée perdu toute marge de manœuvre budgétaire du fait de ses réformes fiscales et de la pérennisation du CICE.

[9] À titre d’exemple, quelle peut être la valeur ajoutée d’une formation bureautique à distance alors même que c’est dans l’interaction avec le formateur et les personnes en formation qu’elle peut se dérouler au mieux, sans compter l’effet de dynamique de groupe ?

[10] Plus d’un million et demi de personnes en ont bénéficié en 2016 bie

Joseph Seité

Économiste, Haut fonctionnaire territorial

Notes

[1] Quelques chiffres parlants sur ce système tant décrié : 25 millions de stagiaires par an pour 43 heures de formation en moyenne, dont 9% sont des chercheurs d’emploi (plus de 100 heures de formation en moyenne pour ce public) ; le marché, presque exclusivement privé, pèse 15 milliards d’euros, hors fonction publique.

[2] Cela mériterait en soi un débat mais notons simplement ici que les Régions encourageaient les Centres de Formation d’Apprentis à conserver un socle conséquent de formation générale, ce qui risque de ne plus être le cas dans le nouveau schéma.

[3] Un exemple parmi d’autres de cette nouvelle rationalisation : l’OPCA du travail temporaire, le FAF TT, est invité à fusionner avec les branches de la propreté et de la sécurité… vision ô combien stigmatisante de l’intérim.

[4] D’autant qu’il consacre un crépuscule du paritarisme au mépris, par exemple, des travaux éclairants sur ces sujets du Comité National Emploi Formation et Orientation Professionnelle, où siégeaient les partenaires sociaux employeurs/employés, et de l’action souvent très innovante du FPSPP (Fons paritaire de sécurisation des parcours professionnels).

[5] Le Capitalisme utopique. Histoire de l’idée de marché, Pierre Rosanvallon, Le Seuil, 1999.

[6] Serpent de mer des 30 dernières années avec toujours les mêmes secteurs d’activité : bâtiment et travaux publics, industrie, café, hôtellerie, restauration, services à la personne, etc.

[7] Voir David Graeber, Bullshit Jobs : A Theory, Simon and Shuster, 2018.

[8] D’autant plus que l’exécutif a d’emblée perdu toute marge de manœuvre budgétaire du fait de ses réformes fiscales et de la pérennisation du CICE.

[9] À titre d’exemple, quelle peut être la valeur ajoutée d’une formation bureautique à distance alors même que c’est dans l’interaction avec le formateur et les personnes en formation qu’elle peut se dérouler au mieux, sans compter l’effet de dynamique de groupe ?

[10] Plus d’un million et demi de personnes en ont bénéficié en 2016 bie