Idées

Les études postcoloniales : un malentendu français ?

Politiste

Les études postcoloniales occupent une position ambivalente dans le champ français de la recherche, faite d’ambiguïté et de malentendu. Nées de la volonté de désoccidentaliser la pensée, elles sont aussi les héritières de la pensée occidentale, et notamment française, sur le pouvoir et les structures de domination.

Si l’on en juge par quelques évènements récents (parution de l’enquête journalistique de Davet et Lhomme Inch’Allah, retour de la question coloniale pendant la campagne électorale, débats lors du dernier sommet de l’Organisation Internationale de la francophonie, etc.) le spectre de la colonisation n’en finirait pas de hanter la vie politique française. Certes, à y regarder de plus près, cette interrogation est récurrente depuis, au moins, les années 2000, lorsque les mutations du terrorisme international, puis les émeutes dans les banlieues françaises, amenèrent à se demander quelle relation ces formes de violence politique entretenaient avec la domination impériale jadis exercée par les puissances européennes sur les peuples non-occidentaux. Au fil de ces débats une référence s’est ainsi imposée, celle aux études postcoloniales et à leur idée que ce qui s’est joué pendant les colonisations continue de déterminer profondément la vie socio-politique des pays qui furent, soit colonisés, soit colonisateurs.

Reste que le renvoi aux postcolonial studies est loin d’être exempt d’ambiguïtés et de malentendus. Contrairement à d’autres pays – y compris plusieurs anciennes métropoles coloniales – la France a longtemps semblé réticente à s’approprier les textes et les réflexions de ces auteurs issus des anciens mondes coloniaux. Les études postcoloniales ont en effet provoqué, dans notre pays, beaucoup d’incompréhension et de critiques virulentes, y compris de la part d’individus dont l’opposition aux diverses formes de dominations (post-)coloniales ne fait aucun doute. D’où l’importance d’essayer de comprendre non seulement à quoi renvoie l’étiquette des « études postcoloniales », mais aussi quelles résistances leur importation en France a pu provoquer.

Les postcolonial studies se sont structurées aux États-Unis, au début des années 1980, suite à la rencontre de deux courants intellectuels. D’un côté, Edward Saïd, auteur américano-palestinien, professeur de littérature comp


Thomas Brisson

Politiste, Maître de conférences à l'université Paris 8