L’État rwandais et la mémoire du génocide des Tutsi
« Remember, Unite, Renew », tel est le thème de la commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda en 2019, comme en 2014. Il renseigne sur la volonté politique de faire du génocide un élément du passé, nécessitant une unité des Rwandais et qui conduit vers un nouveau Rwanda. Généralement plus offensifs, les thèmes ont porté le plus souvent de 1995 à 2014 sur les questions de justice, d’aide aux rescapés mais aussi de lutte contre l’idéologie du génocide et le négationnisme.
Au cours des vingt-cinq dernières années, de multiples politiques ont ainsi été mises en place par l’État rwandais concernant la gestion du passé et en particulier le génocide des Tutsi : politiques mémorielles, politiques d’unité et réconciliation, politiques de justice. Il ne s’agit pas ici de proposer un regard sur leur « efficacité » ou leur réception par la société civile mais de brosser un rapide panorama des politiques de mémoire, de leur évolution et du contexte dans lequel elles s’inscrivent depuis 1994.
Une « première mémoire » du génocide émerge dès l’automne 1994 au Rwanda, portée principalement par le gouvernement d’union nationale mis en place en juillet 1994, qui comprend des membres du Front patriotique rwandais (FPR), mais aussi du Mouvement démocratique républicain (MDR), du Parti libéral (PL), du Parti social démocrate (PSD) et du Parti démocrate chrétien (PDC) conformément aux accords d’Arusha de 1993[1]. Des ministres du Parti Libéral tels Pie Mugabo ou Joseph Nsengimana, tous deux rescapés, s’engagent particulièrement. Leurs ministères organisent en lien avec des associations de rescapés, parfois avec l’Église catholique, l’inhumation en dignité des victimes du génocide, dont les corps sont retrouvés. Ces cérémonies se déroulent au niveau local. La première commémoration nationale du génocide a lieu en avril 1995 sur le site de Rebero, où sont honorés des responsables politiques Hutu ainsi que des civils Tutsi tués par les extrémistes au cours du génocide. Le site