La contre-insurrection qui vient
On ne sait encore ce qu’il adviendra du mouvement dit des « gilets jaunes », mais on peut d’ores et déjà affirmer qu’il aura agi en son corps défendant comme un révélateur de la brutalité de la doctrine du maintien de l’ordre en vigueur en France aujourd’hui – une violence qui s’exerce aussi bien par l’intermédiaire de la convocation d’un arsenal juridique inédit et particulièrement répressif, que par le recours à un armement militaire face aux manifestants.
Depuis le début des manifestations hebdomadaires, au moins 2000 personnes ont déjà été condamnées – un chiffre élevé, mais qui fait véritablement froid dans le dos si l’on considère que 40% d’entre elles l’ont été directement à des peines de prison ferme. La LDH parle de 2000 blessés, et à la date du 11 janvier quatre-vingts trois personnes avaient déjà été gravement touchées, dont 60 directement à la tête, par les LBD et les grenades GLI-F4. Le Conseil d’État rejette la demande d’interdiction de ces armes le 1er février, la France est poliment rappelée à l’ordre par le Parlement Européen le 14 février, et les choses semblent s’être arrêtées là. Le décompte des blessés a disparu des journaux. Pendant que l’on se demande s’il est bien légitime de désobéir en démocratie, les gouvernants renforcent une doctrine qui privilégie la conflictualité sur la désescalade.
Ces faits contrastent avec les récits qui en sont faits sur certains médias, chaînes d’information continue en première ligne. La violence qui ferait scandale, ce ne serait pas celle que les « gilets jaunes » subissent, ce serait celle qu’ils commettent, celle qui vient se greffer à eux – le black-bloc, en particulier – et dont ils se rendraient par conséquent complices. Le procédé n’est pas nouveau. La piqûre de rappel que nous administre Michaël Fœssel dans son dernier ouvrage, intitulé Récidive 1938, est de ce point de vue tout à fait opportune : dans un contexte où il était déjà question « d’assouplir » la durée légale de travail, de « lier