Société

N’enterrons pas trop vite le conservatisme catholique

Politiste

Samedi 6 juillet, le parti Les Républicain organisait une convention nationale chargée d’élaborer la nouvelle charte des valeurs du parti de droite. Les défaites successives de François Fillon et de François-Xavier Bellamy auraient pu signer celle des valeurs qu’ils incarnent. Ce serait sans compter sur la vitalité de ces catholiques conservateurs, un groupe de pression politique efficace depuis qu’ils ont conscience d’être devenus une minorité.

En 2012, la défaite de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle était attribuée aux mauvais conseils de Patrick Buisson ; en 2017 c’est cette fois la défaite de François Fillon que certains attribuent à l’influence idéologique de Sens Commun ; en 2019, ce sont bien sûr les mêmes – ou presque – qui attribuent la défaite aux propos de François-Xavier Bellamy sur l’affaire Lambert. Cette série permet-elle donc de conclure à la disparition de la droite catho ? Ou ne manifeste-t-elle pas plutôt l’ancrage durable d’un conservatisme porté par des catholiques dans l’horizon idéologique et stratégique des droites?

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Le 29 mai, Laurent Joffrin se réjouit dans Libération de « la défaite de la pensée Finkielkraut » dont les 8,48% des voix obtenues par la liste LR aux européennes serait le signe. Les électeurs auraient-ils désavoués la stratégie conservatrice portée par François-Xavier Bellamy ? D’autant plus les électeurs catholiques pratiquants qui ont rallié LREM à 37% selon un sondage IPSOS/La Croix ? À Versailles même, le candidat a perdu quelques centaines de voix par rapport au premier tour des législatives de 2017.

Avant de répondre, la singularité de l’élection européenne doit tout d’abord être rappelée. Que ce soit en raison de la dimension européenne, du mode de scrutin, ou du taux d’abstention élevé, elle occupe une place à part et ses résultats sont sans rapport nécessaire avec les élections nationales. Les partis exclus de la compétition législative par défaut d’alliance pouvaient y trouver une légitimité pour exister et obtenir des élus : Les Verts, CPNT, le MPF, etc. Mais cette parenthèse électorale se referme inéluctablement.

La droite souverainiste et conservatrice qui a plusieurs fois bénéficié de ce contexte électoral à part en a aussi éprouvé les limites. Philippe de Villiers obtint en 1994, 12,34% des voix mais l’année suivante à la présidentielle son score était de 4,7% : son nombre de voix passait alors de 2 404 105 à 1 443 186. Par conséquent, il peut sembler périlleux d’extrapoler sur les échéances électorales futures. De la même manière il peut sembler présomptueux de tirer d’une série de défaites électorales une évaluation de l’obsolescence d’idées, ce serait à la fois se faire une image bien flatteuse des logiques de l’acte de vote mais aussi entretenir une confusion des plans. Faudrait-il ainsi interpréter la très longue série de revers électoraux des Verts comme l’antithèse du réchauffement climatique ? Non certes.

Le catholicisme observant : matrice du militantisme catholique conservateur

En ce qui concerne maintenant la dite « droite catho » quelques distinctions doivent être faites. La droite catho ne s’identifie pas à l’électorat catholique de droite. La première est constituée d’une nébuleuse de militants convaincus, qui se sont construits une autorité au sein des droites, aussi bien idéologiquement, qu’en raison de leur capacité à parler au nom de l’électorat catholique. Pourtant rien ne permet de démontrer un quelconque lien entre leur discours et les électeurs. Chez les catholiques comme ailleurs, l’élection ouvre une temporalité ou l’exercice de la ventriloquie « au nom du peuple » ou de tel ou tel groupe social devient une ressource banale de la légitimation des causes. Ces militants catholiques partagent la plupart du temps une socialisation dans la marge « observante » du catholicisme.

Depuis les années 1990, la prise de conscience du statut désormais minoritaire du catholicisme les a conduit à déployer une importante créativité militante afin de pallier, par des techniques d’influence, la décrue du nombre de baptêmes. Ils ont tenté de « reconfessionnaliser » le vote au nom des « points non-négociables » qu’a indiqués le cardinal Ratzinger dans une note doctrinale de 2002. Le futur Benoît XVI invitait par exemple les catholiques à l’objection de conscience contre le financement par le Téléthon de la recherche sur les embryons en 2007. Il protestait également contre l’introduction de l’enseignement du genre dans les manuels de SVT. Des recommandations qui ont constitué le noyau dur de La Manif pour tous à partir d’octobre 2012. Ces militants se pensent comme une minorité réformatrice en politique, comme dans l’Église. Sur ces deux fronts ils critiquent la trahison des élites qui privilégient un concordisme avec les valeurs dominantes plutôt que l’audace d’une opposition conservatrice.

Ces militants sont cependant divisés quant à la stratégie a adopter pour mener ce combat : doivent -ils agir en catholiques ou en tant que catholiques ; restaurer la société par la promotion de leur modèle familial ou s’engager en politique ; se doter de leur propres structures partisanes ou peser dans celles qui existent ; être moralement intransigeant ou dans la négociation d’un moindre mal ? Ces interrogations se déclinent dans le champ catholique : doivent-ils s’intégrer aux paroisses diocésaines et privilégier des communautés affinitaires, rejoindre les écoles catholiques sous-contrats ou en fonder de nouvelles hors-contrat ?

Le rapport de force dans l’Église est favorable à ces militants catholiques. Bien qu’ils ne représentent que 30% des pratiquants hebdomadaires, leurs familles transmettent tendanciellement mieux la foi que les autres sensibilités et c’est en leur sein que se recrutent les vocations sacerdotales résiduelles. Le renouvellement des générations contribue à ce qu’ils gagnent aussi en importance dans l’épiscopat et vu l’évolution du corps sacerdotal ils le domineront probablement un jour. Mécaniquement, même si ces catholiques ne sont pas en expansion, ils gagnent en importance et en influence à mesure que le périmètre social du catholicisme rétrécit. Par ailleurs, leur désir de redonner au catholicisme sa visibilité et de sortir de « l’enfouissement » trouve sa validation dans l’attente médiatique à l’égard d’une religion conservatrice. Cette visibilité appuie leur entreprise de restauration de l’Église dans la mesure ou ils tendent à monopoliser l’image des catholiques au détriment des autres courants.

Les Républicains n’ont jamais eu le monopole de la droite catholique conservatrice

Politiquement, leur influence est plus résistible. Tout d’abord ces militants sont divisés. A ce titre Sens commun ou François-Xavier Bellamy ont été désignés à tort comme représentatifs de cet univers militant. Au sein même de l’UMP puis LR, le Parti Chrétien Démocrate fondé par Christine Boutin puis repris par Jean-Frédéric Poisson, jouait de son antériorité pour prétendre être le meilleur compromis pour faire entendre leurs convictions dans le « système ». La création de Sens commun en novembre 2013 a directement impacté sa surface politique. En 2016, lors des primaires de la droite et du centre, les militants de Sens Commun rejetaient le positionnement confessionnel de Jean-Frédéric Poisson et s’engageaient auprès de François Fillon afin de sortir de la marge et d’accéder au pouvoir en contrepartie d’un certain nombre de compromis comme la non-abrogation de la loi Taubira.

En dehors de LR, Marion Maréchal-Le Pen prétend elle aussi incarner la meilleure stratégie pour les catholiques conservateurs. Si les courants catholiques traditionalistes ont historiquement participé au FN depuis son origine, la prise en main par Marine Le Pen s’est traduite par leur marginalisation. Certains d’entre-eux ont pris leur distance après la défaite de Bruno Gollnisch au congrès de Tours de janvier 2011. Bien que les militants catholiques deviennent marginaux dans l’appareil dirigé par Marine Le Pen et Florian Philippot, le FN s’est banalisé dans l’électorat catholique pratiquant à partir des élections régionales de 2015, ce que l’élection présidentielle de 2017 à confirmé puisque 27% des pratiquants réguliers auraient votés pour la candidate du FN au second tour. Manifestation de la « démocratie du public » décrite par Bernard Manin, l’affiliation partisane passe désormais par l’identification à une figure comme Marion Maréchal plus que par un courant organisé de militants.

Enfin, refusant de choisir entre l’UMP et le FN, une nébuleuse qualifiée de « droite hors les murs » s’est fédérée autour des époux Ménard, de Charles Beigbeder et du mensuel l’Incorrect en vue de travailler à la construction d’un espace politique pour un éventuel parti qui, reprenant le positionnement du MPF de Philippe de Villiers, serait à la charnière entre le FN et LR et pourrait devenir le pivot de coalitions. Depuis son très relatif « retrait » de la vie politique, Marion Maréchal est leur figure de référence. Les militants catholiques observants constituent déjà un espace décloisonné entre les droites et ce n’est donc pas un hasard si ceux qui militent pour des alliances entre LR et le RN proviennent de cet univers, « l’appel d’Angers pour l’union des droites » en est emblématique.

Malgré leurs divergences, ils partagent un certain nombre d’instances de socialisation politique comme La Manif pour Tous ou l’Institut Français de Politique. Ils suivent également les journalistes et auteurs qui légitiment le label conservateur : Eric Zemmour, Alain Finkielkraut, Chantal Delsol, Mathieu Bock-Coté, Eugénie Bastié, Roger Scruton… Leurs débats se retrouvent dans les pages du Figaro, de Causeur, de Valeurs actuelles ou des sites Boulevard Voltaire ou Le Salon Beige. La critique de la décadence de la société contemporaine leur donne une unité malgré leurs divergences sur la hiérarchisation des périls ou la stratégie partisane.

L’attente frustrée de l’accomplissement des prédictions de Patrick Buisson

Ces militants catholiques partagent également la même expérience de leur faiblesse. Ils savent que leur homogénéité sociale et religieuse est un atout comme ressource de mobilisation. Ils le mesurent quand ils se comptent à la Marche annuelle « pour la vie » ou en pèlerinage de Pentecôte sur la route de Chartres. Ils peuvent en quelques heures organiser un happening en défense de Vincent Lambert ou remplir de vastes salles autour de Michel Houellebecq ou d’Eric Zemmour. Mais ces réunions donnent à voir « une France des lodens », une jeunesse « comme il faut » sortie des rangs d’une bourgeoisie classique dont le capital social repose sur la foi, les alliances lignagères entre notables, des stratégies scolaires et résidentielles élitistes et un patrimoine de savoir-vivre qui permet de prétendre appartenir aux classes sociales supérieures même en cas de difficultés économiques.

Cette fraction des classes sociales supérieures éprouve un profond sentiment de déclassement en raison de la marginalisation au sein des élites des capitaux qui assoient son statut. Leur image sociale, du film « Un long fleuve tranquille » jusqu’à « Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu » les renvoi sans cesse au caractère suranné de leur style de vie et brise leur prétention à incarner le seul avenir possible pour la France. Politiquement, ils sont conscients que leur homogénéité sociale est un plafond à la française, plutôt qu’un plafond de verre, dont les ors ternis et les armoiries entravent leur capacité à parler au nom de tous et à mobiliser au-delà d’eux-mêmes. Si la Manif pour tous est parvenue à mobiliser bien au-delà d’eux c’est grâce à l’iconoclaste Frigide Barjot et à son positionnement paradoxalement gay friendly contre l’homoparentalité. À l’inverse, le retour au réalisme social, et la décrue, s’est incarnée dans Ludovine de la Rochère.

Patrick Buisson les a convaincu qu’il demeure une possibilité pour sortir de ce ghetto minoritaire : faire alliance avec les classes populaires menacées dans leur savoir-vivre par le « multiculturalisme » et déracinées de leur savoir-faire par la mise en concurrence sur un marché mondialisé. C’est la thèse de son important livre La cause du peuple (Perrin, 2016). La lecture de La France périphérique (Flammarion, 2014) de Christophe Guilly les a confirmé dans cette espérance. L’ennemi commun seraient les élites cosmopolites de Paris ou Bruxelles maniant tour à tour l’injonction libérale à « la flexibilité » et l’injonction libertaire à l’affirmation des différences individuelles dont « la théorie du genre » serait la pointe la plus subversive.

Cette alliance conservatrice et populiste, perpétuerait la geste de ces aristocrates menant derrière un drapeau blanc les paysans vendéens à la bataille contre les élites révolutionnaires. On a vu ainsi, durant la campagne de François Fillon, Madeleine de Jessey, la porte-parole de Sens Commun, parler au nom de la « France silencieuse »[1] ; ou une poignée de Veilleurs brandir parmi les gilets jaunes un drapeau tricolore frappé du sacré-cœur.

Les racines chrétiennes : le nouveau drapeau blanc

Le discours sur les racines chrétiennes fait office de nouveau drapeau blanc. Il associe d’une manière bien plus artificielle et globalisée que la devise « Dieu et le roi » les dimensions religieuses et politiques. Il sécularise la foi en patrimoine commun, en marqueur de la culture légitime permettant de distinguer les héritiers des étrangers. Le catholicisme est mobilisé pour identifier les mœurs légitimes et leur conférer une valeur de norme majoritaire. Il devient un simple instrument politique. Les musulmans sont la cible de cette affirmation.

Plus ou moins explicitement, il leur est rappelé que s’ils restent fidèles à leur foi, ils ne seront jamais des vrais français ou de vrais européens. L’Etat est la cible secondaire de cette affirmation. Le principe libéral de non-discrimination à l’égard des cultures minoritaires est dénoncé comme une transgression de la logique démocratique qui fait de la majorité la source de la loi. Dans Les cloches sonneront-elles encore demain ? (Albin Michel, 2016), Philippe de Villiers dénonce ainsi la manière dont les islamistes instrumentalisent les droits de l’homme en vue de « soumettre » la vieille Europe.

Certes, le pape François condamne ces instrumentalisations identitaires du christianisme. C’est en effet une tendance désormais observable dans la plupart des pays européens (Italie, Autriche, Allemagne, Pologne, Hongrie) et même outre-Atlantique (États-Unis, Brésil). Mais certains militants catholiques conservateurs, comme le journaliste de Valeurs actuelles Laurent Dandrieu, interprètent cette défiance comme une répétition du dédain des élites cléricales pour la « religion populaire » dans les années 1970. Ils considèrent que ce christianisme patrimonial peut-être un levier de rechristianisation.

D’autres y voient tout simplement un moyen de conserver aux catholiques une légitimité politique pour représenter la nation alors que la pratique est devenue très minoritaire. Le clocher, contre-minaret identitaire, image cette aspiration à reconstruire la légitimité de l’ordre politique à partir d’une matrice culturelle exclusive. Aux élections européennes, on le retrouve sur les tracts de Nicolas Dupont-Aignan. La liste LR pose autour de François-Xavier Bellamy devant le porche d’une église. Le score relativement faible de cette liste peut-il être interprété comme une invalidation de la ligne Buisson ?

Échec de Bellamy ou échec de LR ?

Observé de loin, le versaillais et ancien scout d’Europe François-Xavier Bellamy semble si bien incarner « la droite catho » que l’échec de sa liste semble condamner cette dernière. Pourtant comme après l’échec de François Fillon, tous ceux qui au sein de la nébuleuse catholique conservatrice ont fait campagne pour le RN ont triomphé. L’affaiblissement de la stratégie de Sens Commun ou l’échec de Bellamy valident par contre-coup le RN comme meilleure interface pour accéder un jour au pouvoir sans transiger avec les « valeurs ». Les militants de la droite-hors-les-murs jubilent de ce dernier épisode du déclin de LR qui est pour eux le parti de toutes les compromissions depuis Jacques Chirac.

Au cours de mes enquêtes au sein de cet univers, j’ai pu mesurer que depuis la déception accumulée par Nicolas Sarkozy durant son premier mandat, le parti de la droite de gouvernement ne cesse de perdre des électeurs et des militants parmi les catholiques conservateurs. Dans La cause du peuple, Patrick Buisson écrit d’ailleurs une puissante charge contre les contradictions de ce parti incapable de rassembler les électeurs conservateurs qui seraient majoritaires selon lui. L’instrumentalisation du catholicisme par François Fillon a écœuré les catholiques depuis qu’ils ont admis que les abus qui lui étaient reprochés étaient réels. Laurent Wauquiez a ouvert sa présidence en exigeant la tête de Christophe Billan, le président de Sens Commun.

Parmi les militants catholiques, le choix de François-Xavier Bellamy ne pouvait effacer un tel passif accumulé, surtout avec un Brice Hortefeux en 5e position sur la liste et Geoffroy Didier en directeur de campagne. Interrogée par Causeur, Marion Maréchal considère que c’est cet attelage incohérent qui a détournée la « majorité conservatrice » des électeurs vers d’autres choix.[2] La ligne Buisson est donc reconduite. Jacques de Guillebon à L’Incorrect écrit régulièrement que la seule qui puisse faire la jonction politique entre les masses populistes et l’élite conservatrice est d’ailleurs Marion Maréchal…

Il a été beaucoup question de défaite de la droite catholique. De fait il y a surtout une défaite de son aile modérée. Et encore, celle-ci est relative car François-Xavier Bellamy débute sa carrière politique, l’aile centriste rivale subit l’attraction de LREM et est donc partiellement neutralisée. L’évolution du champ politique place LR dans une position presque équivalente au MPF des années 1990. Et il ne faut jamais oublier que le possible doctrinal est conditionné par ces contraintes. Bruno Retailleau qui a été formé par Philippe de Villiers reste d’ailleurs un pilier solide et surtout un présidentiable pour le parti en quête de chef. Dans le catholicisme comme dans LR, ceux dont dépend l’avenir ce sont ceux qui restent. A ce titre, la résilience des courants conservateurs, leur capacité à durer, les ancre solidement au sein des droites, comme ressource idéologique et militante au moins.

Emmanuel Macron et le corps du roi très chrétien

Enfin, il me semble que paradoxalement, Emmanuel Macron confirme plus qu’il n’infirme que le moment est favorable aux courants conservateurs du catholicisme. Durant l’été 2015, alors qu’il était encore ministre de l’Économie et des Finances, il avait déclaré à l’hebdomadaire Le 1 : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même. Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort ». Le soin avec lequel Emmanuel Macron cherche à incarner la fonction présidentielle vise à combler cette « absence » et son rapport au catholicisme l’illustre autrement.

Lors de l’hommage rendu au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, dont la geste sacrificielle fait la synthèse de l’héroïsme républicain et chrétien, il souligna que la « force d’âme » est le rempart de la République. Quelques semaines plus tard devant les évêques réunis au collège des Bernardins il déclarait vouloir « réparer le lien entre l’Église et l’État ». Sur un ton qui n’était pas sans évoquer le discours de Nicolas Sarkozy à la basilique Saint-Jean-de-Latran, il affirme que « La France a été fortifiée par l’engagement des catholiques », et « grandit de la sagesse de l’Église ». Enfin, il espère que « la sève catholique »continuera« à faire vivre notre nation ». Ce discours rejoint les propos des intellectuels comme Pierre Manent ou Marcel Gauchet qui, avec des argumentations différentes, considèrent que le catholicisme est une ressource indispensable à l’entretien du civisme et du commun qui rendent viables l’ordre républicain.

La variation d’Emmanuel Macron sur le thème des « racines » est une illustration d’une catho-laïcité très française. Certes les Églises et l’État sont séparées mais les cathédrales et les églises ont été nationalisées en 1905. Comme aimait à le dire  l’historien Émile Poulat, la séparation de corps n’a pas entrainé de séparation de biens. Par conséquent, renouant avec la figure des rois très chrétiens, Emmanuel Macron peut déclarer que reconstruire Notre-Dame « est notre destin ». L’incendie de la cathédrale de Paris a montré à quel point, alors que le catholicisme n’est plus que marginalement une ressource de construction de soi, ses formes cultuelles et patrimoniales restent légitimes pour exprimer l’émotion collective et l’unité nationale.

Les catholiques sont devenus un groupe de pression politique efficace depuis qu’ils ont pris conscience qu’ils étaient devenus une minorité. Et le catholicisme à mesure que l’Église se rétracte, devient un patrimoine culturel disponible comme ressource politique. Ces conditions favorables aux catholiques conservateurs sont structurelles et même un échec supplémentaire de leurs mobilisations pour contrer l’extension de la PMA ne suffirait pas à les épuiser.

NDLR Yann Raison du Cleuziou est l’auteur de Une contre-révolution catholique. Aux origines de la Manif pour tous, Paris, Seuil, 2019.

 


[1] Madeleine Bazin de Jessey, « Redonner sa voix à la France silencieuse », Le Figaro, 31 mars 2017.

[2] « Marion Maréchal : ‘L’alliance LR/RN est inévitable’ », Causeur, 12 juin 2019, URL : https://www.causeur.fr/marion-marechal-rn-lr-droite-161985

Yann Raison du Cleuziou

Politiste, Maître de conférence en sciences politiques, UNiversité de Bordeaux, Centre Émile Durkheim (CNRS)

Mots-clés

Laïcité

Notes

[1] Madeleine Bazin de Jessey, « Redonner sa voix à la France silencieuse », Le Figaro, 31 mars 2017.

[2] « Marion Maréchal : ‘L’alliance LR/RN est inévitable’ », Causeur, 12 juin 2019, URL : https://www.causeur.fr/marion-marechal-rn-lr-droite-161985