Politique

Italie, laboratoire du pire ?

Philosophe

Alors que l’Italie est plongée depuis trois semaines dans la crise politique, une improbable alliance entre le Mouvement 5 Étoiles et le Parti Démocrate pourrait voir le jour. De quoi rendre perplexe l’observateur extérieur qui se souvient des propos peu amènes échangés entre les deux formations depuis plusieurs années. Mais l’alliance de l’ancien et du nouveau monde politique suppose un certain nombre de ruptures, à la fois internes aux partis et au système politique italien.

La situation politique italienne est un feuilleton qui a sans doute réussi, en plein mois d’août, à arracher des familles entières aux joies de la plage : la semaine dernière, nombreux sont ceux qui sont restés plantés devant leur télévision pour écouter, pendant près de cinq heures, la retransmission de la déclaration du président du Conseil italien Giuseppe Conte en direct du Sénat, suivie de la réponse de son vice-président (et ministre de l’Intérieur) Matteo Salvini, du débat général avec les sénateurs, et de la « réplique finale » de Conte ; et ceux qui, depuis, suivent le feuilleton d’un possible accord entre le Movimento Cinque Stelle (M5S) et le Partito Democratico (PD) pour la formation d’un nouveau gouvernement sans passer par les élections.

Pour un regard étranger, ce qui se passe depuis une semaine est incompréhensible ou relève d’un théâtre à l’italienne qui a bien peu à voir avec notre propre conception de la politique. Variante : le regard étranger rapporte ce qu’il voit à ses propres catégories sans se rendre compte qu’elles sont totalement inadéquates : on cherche en vain la gauche et la droite, la social-démocratie et le libéralisme, la défense de la démocratie et l’éventuelle mise en danger de l’état de droit, l’européisme et le souverainisme, rien ne correspond totalement à rien, et on finit en général par lâcher le mot magique – populisme, populismes – pour éviter d’approfondir.

En réalité, trois niveaux d’analyse jouent dans la situation présente, et ne pas en tenir compte signifie ne pas comprendre ce qui se joue aujourd’hui en Italie.

Dans le vide créé par la disparition de ces acteurs majeurs du centre et du centre droit, un certain nombre de  nouvelles réalités ont pris place

Le premier niveau consiste à se souvenir que la situation actuelle est l’effet de presque trente ans de désagrégation littérale de la vie politique italienne : la déflagration nécessaire de l’opération « Mani Pulite », en 1992, a fait imploser la Démocratie chrétienne


Judith Revel

Philosophe, Professeure à l'Université Paris Nanterre, membre du laboratoire Sophiapol

Mots-clés

Populisme