Politique

Les dérives de l’authenticité et de la proximité en politique

Politiste

Le président de la République pris à partie lors du Grand Débat National, des députés LREM sommés de s’expliquer sur leurs votes… ces scènes sont désormais courantes. Dans un univers politique pourtant saturé d’institutions et de grandeurs institutionnelles, le phénomène traduit la montée en puissance de la thématique de l’authenticité, de la proximité, et d’une grammaire individuelle au détriment des logiques de rôle.

Emmanuel Macron en bras-de-chemise pris à partie lors de son déplacement à La Réunion par un homme en colère qui le tutoie… : la scène est désormais familière, et en rappelle une autre. Quelques semaines seulement après le mouvement des Gilets jaunes, la ratification par l’Assemblée nationale du traité de libre-échange avec le Canada (CETA) avait suscité une série d’incidents largement relayés par les médias : des députés LREM avaient été personnellement pris à partie pour avoir voté en faveur de ce traité. D’une protestation à l’autre, les commentateurs soulignent à juste titre la banalisation du phénomène en même temps que son caractère relativement inédit : le spectacle des permanences endommagées, taguées, murées, ou souillées par le déversement de fruits et légumes frappe l’attention par la violence du procédé.

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Au-delà de l’indignation des uns et des explications plus ou moins compréhensives des autres, il peut être intéressant de prendre un peu de distance pour interroger ce que la banalisation de ce répertoire nous dit de notre sociétés, de la façon dont celle-ci construit la responsabilité politique, et finalement de l’état de notre démocratie « représentative ».

L’analyse qui prévaudra ici privilégie l’hypothèse du déclin des institutions politiques et, corrélativement, de la montée en puissance des grilles de lecture principalement, voire exclusivement, individuelles. L’individualisation de la responsabilité politique, dont témoigne la prise à partie des députés à leur permanence, n’est qu’une facette d’un phénomène plus large d’individualisation du politique.

Ce phénomène, qui se traduit par la montée en puissance, y compris dans cet univers a priori saturé d’institutions et de grandeurs institutionnelles, de la thématique de l’authenticité individuelle au détriment des logiques de rôle, ne signifie évidemment pas disparition pure et simple des institutions politiques. Il y a bien toujours des députés, rôle politique s’il en est, tout comme il


Christian Le Bart

Politiste, Professeur de science politique à Sciences Po Rennes – UMR Arenes-CNRS