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Colombie : entre colère sociale et violences policières

Politiste

Voilà maintenant plus de deux semaines que les colombiens sont massivement mobilisés : parti d’un appel à la grève nationale, le mouvement s’est rapidement transformé en une vague de contestation d’une ampleur sans précédent. Entre mesures consolatoires peu convaincantes et répression policière musclée, le gouvernement semble incapable d’apporter une réponse satisfaisante aux revendications, laissant l’incertitude planer sur l’avenir politique de la Colombie.

Le 21 novembre dernier, des centaines de milliers de personnes, peut-être plus d’un million, ont pris les rues colombiennes dans une mobilisation de masse contre le gouvernement. Depuis ce jour, les manifestations se succèdent quotidiennement, alors que les violences policières et l’attitude fermée du gouvernement sont venues alimenter le mécontentement. Ce qui a commencé comme une grève traditionnelle, organisée par les centrales syndicales ouvrières a en réalité très rapidement débordé ces milieux.

Qu’est-ce qui explique ce changement d’échelle dans la contestation ? Doit-on craindre une escalade des violences, alors qu’une première victime de la répression policière est décédée lundi ? Le gouvernement va-t-il être en mesure d’apporter des réponses permettant au moins de désamorcer une partie des critiques à son encontre ? Quelle place d’ailleurs pour le contexte régional, au moment où le Chili traverse une crise profonde, où la Bolivie s’enfonce dans l’autoritarisme et où le Venezuela souffre de la plus grande crise humanitaire dans l’histoire récente de la région ?

Revenons d’abord sur les origines de la mobilisation. L’appel à une grève nationale est partie des centrales syndicales ouvrières, mobilisées contre la réforme fiscale que le gouvernement s’apprêtait à présenter au Congrès, mais aussi contre un projet de réforme des retraites et contre les menaces de privatisation pesant sur des entreprises publiques. À cela s’ajoutait leur opposition plus générale à l’encontre de la posture du gouvernement, qui s’était montré très à l’écoute de propositions controversées des milieux d’affaires, telles que l’assouplissement du salaire minimum et des conditions de licenciement.

Ces sujets débordaient cependant largement des milieux syndicaux. La politique fiscale, par exemple, est devenue l’une des cibles privilégiées des opposants au président Iván Duque. Il faut dire que le projet de gouvernement est controversé, alors qu’il inclut 2,3 milliard d’euros de réductions


Jacobo Grajales

Politiste, professeur à l’Université de Lille et membre junior de l’Institut universitaire de France