Comment peut-on être pauvre ?
C’est une vidéo d’une minute à peine, un sujet de reportage comme il y en a tant d’autres : devant le micro du reporter de l’émission Quotidien, une jeune étudiante décrit son quotidien fait de précarité et de misère, montrant son frigo vide, racontant sa peur permanente de perdre son logement et la menace que cela fait peser sur la réussite de son cursus. Quelques jours après qu’un autre étudiant se soit immolé par le feu devant le Crous de Lyon au début du moins de novembre 2019, il s’agissait de donner à voir la réalité de la condition de trop d’étudiants, trop souvent ignorée. Mais c’est un détail bien différent qui va retenir l’attention de certains commentaires postés sur les réseaux sociaux, un simple objet posé sur une table, visible pour quelques secondes à peine : un flacon de parfum, aisément reconnaissable comme J’adore de la marque Dior.

D’un seul coup, tout l’espace semble être occupé par cette bouteille, au point que l’on en oublie facilement les placards vides. D’un côté, il y a ceux qui voient le signe d’une manipulation, la preuve que la jeune femme n’est pas aussi pauvre qu’elle veut bien le faire croire, ou qu’elle est fautive, incapable de se débrouiller avec son argent, et certainement pas victime du « système » ou des insuffisances de l’État – et quand ce n’est pas le parfum, c’est le forfait de téléphone, la marque de l’ordinateur ou encore la taille de l’appartement qui sont critiqués comme autant d’erreurs de gestion.
Et en face, il y a ceux qui, bien embarrassés par ce bien de luxe au milieu de la misère, se perdent en suppositions pour essayer de justifier ou d’excuser sa présence – peut-être est-ce un cadeau ? Peut-être l’étudiante l’a-t-elle acheté en soldes ? Ou alors, elle a pu économiser pendant de long mois pour se payer ce petit plaisir dans une vie de privation ? Dans tous les cas, l’énergie déployée autour d’un objet aussi banal a de quoi surprendre.
Ce n’est pourtant là qu’une répétition parmi d’autre d’un débat récurrent dès q