Vivre autrement
Être vivant. Tel est le thème de la Nuit des idées, belle et riche initiative qui, une fois l’an, permet à des chercheurs, des auteurs et des artistes de rencontrer des publics, en France mais aussi en de nombreux lieux de la planète. L’intitulé de cette année, être vivant, est volontairement ambigu. Groupe nominal, l’expression désigne tout individu ou toute espèce qui présente des propriétés caractéristiques de la vie, qu’il s’agisse d’un animal, d’une plante, d’un agent microbien, voire d’un esprit surnaturel ; un être vivant s’oppose ici à un être inerte. Groupe verbal, la formule indique en revanche le fait d’exister en présentant certains caractères qu’on attribue à la vie dans cet intervalle de temps qui sépare la naissance de la disparition ; être vivant a alors pour antonyme être mort. Cette distinction n’est pas seulement grammaticale ou sémantique. Elle porte en elle des implications bien différentes dans le débat d’idées contemporain.

Dans le premier cas, s’intéresser aux êtres vivants, c’est démarquer les sciences humaines de leur objet principal, à savoir l’être humain. Une critique de l’anthropocentrisme s’est en effet développée au cours des années récentes, qui est aussi une critique de la modernité, avec la suprématie accordée à l’espèce humaine dans le règne animal, la prééminence du sexe masculin révélée par l’usage français du mot homme comme supposément neutre et la prétention à l’universalisme affirmé en implicite référence au paradigme occidental. Sur ce terrain, on voyage en compagnie de Jane Bennett, Peter Singer, Bill Brown, Bruno Latour, Eduardo Viveiros de Castro, et bien d’autres ; et l’on dialogue notamment avec le nouveau matérialisme, le réalisme spéculatif, l’ethnographie multi-espèces et l’anthropologie ontologique.
Dans le second cas, parler du fait d’être vivant renvoie à la question de la restriction de la vie humaine à sa dimension physique et physiologique. Une critique de cette biopolitique s’est manifestée depuis près d’un