Santé

Covid-19 ou l’indigence de la santé publique démasquée

Historienne

La pandémie interroge les différents systèmes de santé publique et oblige les homo hygienicus 2.0 à l’autodiscipline improvisée. Mais le confinement est aussi porteur d’inégalités, de vulnérabilités et de marginalisation. Tantôt pointé comme insuffisant, tantôt décrété comme essentiel, le masque médical, donne à voir les limites et paradoxes de la santé publique contemporaine.

En couverture de The Economist le 1er février dernier et du New Yorker le 9 mars, emmaillotant une mappemonde aux couleurs du drapeau chinois ou porté sur les yeux par un président Trump en déni, le masque médical sature l’iconographie médiatique qui accompagne le Covid-19. Les discours experts et les interventions politiques à son endroit semblent toutefois vouloir brouiller les représentations consensuelles dont il serait devenu l’objet.

Son usage quotidien par la population saine serait inutile, voire dangereux, et les pénuries qui le touche seraient un problème à régler d’urgence pour protéger les groupes les plus à risque d’être contaminés ou de décéder des suites de l’infection. La disette a poussé le gouvernement français à réquisitionner par décret les stocks et la production ; le CDC américain (Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) a pour sa part adapté ses recommandations « d’étiquette hygiénique et respiratoire » en milieu hospitalier, suggérant de réutiliser les respirateurs N95 (l’équivalent du FFP2 européen) ou de remplacer ceux-ci par de simples masques chirurgicaux.

La raréfaction du dispositif est devenue une affaire politique de la plus haute importance ; on en appelle partout au (bon) sens civique; on martèle le pouvoir étonnant du lavage de mains intensif et de l’abandon des marques quotidiennes de civilité pour réorienter les itinéraires du produit convoité. Tous les masques médicaux ne filtrent pas les particules virales avec le même succès : les N95/FFP2 sont ainsi plus performants que les « simples » 3M. Mais aucun consensus scientifique ne s’est encore dégagé ni sur le taux d’efficience des meilleurs d’entre eux en milieu clinique, malgré la multiplication d’études à leur sujet depuis l’épidémie de Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003, ni surtout sur leur valeur dans l’espace public.

L’existence avérée de malades asymptomatiques mériterait qu’on y recourt de façon systématique, tweetait il y a quelques jours le


Laurence Monnais

Historienne, professeur titulaire au département d'histoire et directrice du Centre d'études asiatiques (CETASE) de l'Université de Montréal.

Rayonnages

SociétéSanté

Mots-clés

Covid-19