Confinement : une occasion de (re)penser la condition de « reclus » ?
Erving Goffman marqua la sociologie par son étude sur la condition des « reclus » (comme il les nommait) de l’institution psychiatrique. Peu avant son enquête de terrain à l’hôpital Sainte-Elizabeth qui aboutit à la rédaction d’Asiles, il rédigea sa thèse à Paris et fut peut-être indirectement marqué par l’œuvre de Sartre[1], non seulement pour ce qui est des rôles que nous composons dans notre vie quotidienne, mais aussi pour la violence de la promiscuité qui nous confronte à autrui et à son jugement dans nos moindres faits et gestes. « L’enfer c’est les autres », nous dit Sartre dans Huis clos…
Le confinement que nous avons subi invitait tout un chacun à penser sa condition d’homme ou de femme contraint à vivre dans un espace plus ou moins réduit, dans lequel toutes les activités, généralement réalisées dans des espaces différents, furent rassemblées en un même lieu. Pour la majorité d’entre nous, nous avons ainsi pleinement vécu à notre domicile. Nous y avons dormi, travaillé, fait du sport et nous y sommes adonnés à des loisirs. Nous avons donc en quelque sorte été pris, toutes proportions gardées, mais pour une bonne part néanmoins, dans la position de reclus telle que le sociologue Erving Goffman l’a étudiée dans le cadre de son analyse des institutions totales.
Mais qu’est-ce qu’une institution totale ? Erving Goffman définit les institutions totales comme suit : « On peut définir une institution totalitaire (total institution) comme un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglées. Les prisons constituent un bon exemple de ce type d’institutions, mais nombre de leurs traits caractéristiques se retrouvent dans des collectivités dont les membres n’ont pas contrevenu aux lois.[2]»
Erving Goffman note que la vie normale se distingue de la vie rec