Les modèles épidémiologiques sous les feux de la rampe
Depuis le début des années 2000, le monde a été frappé, avec une fréquence croissante, par des épidémies zoonotiques d’intensité variable. Dans le même temps, une nouvelle communauté de scientifiques européen·ne·s et américain·e·s s’est constituée, qui tire d’une connaissance physicienne et computationnelle des réseaux complexes, un ensemble d’outils d’analyse et de prédiction des épidémies. Cette communauté se revendique d’une nouvelle spécialité, l’« épidémiologie computationnelle », et offre son expertise scientifique aux pouvoirs publics afin d’évaluer les risques de contagion, les populations vulnérables, et l’effet des mesures d’intervention pour endiguer la propagation.
Parfois mise en avant, parfois contestée, cette spécialité fait désormais partie de l’appareillage standard de préparation sanitaire dans nombre d’États. Même si ses représentant·e·s sont de plus en plus invité·e·s sur les plateaux et interviewé·e·s par les journaux, l’épidémiologie computationnelle reste méconnue du grand public et mal comprise par les médias. Nous souhaitions donc ici mettre en lumière son histoire, et ses principales productions : les modèles épidémiologiques. Nous espérons que cela permettra à tout un chacun de mieux en comprendre les caractéristiques et les limites.
Une spécialité fondée par des physicien·ne·s
Si les modèles mathématiques d’épidémies existent depuis les années 1920, le terme d’épidémiologie computationnelle fut utilisé pour la première fois en 1988 en référence à des méthodes de simulation basées sur la science des systèmes, mais il n’eut pas de suite. Le terme est réapparu au début des années 2000 sur l’initiative d’un petit groupe de physicien·ne·s issu·e·s de quelques pays européens et des États-Unis, spécialisé·e·s en physique statistique et en théorie des réseaux. On compte aujourd’hui une vingtaine d’équipes dans les pays du Nord.
La physique statistique est une branche de la physique théorique qui analyse à l’aide de la théorie des proba