Face au virus : l’invention de nouvelles formes de vie
La crise sanitaire actuelle oblige à s’interroger sur l’influence d’une entité biologique, si minuscule soit-elle, sur les relations sociales. Alors que les sciences de la nature sont lancées dans une course contre la montre pour mieux connaître une life form – c’est-à-dire la morphologie du coronavirus, mais aussi ses caractéristiques physiologiques, son comportement et ses effets sur le milieu et ses hôtes –, il revient aux sciences humaines et sociales de chercher comment les interactions avec ce microorganisme modifient les formes de vie (forms of life) humaines.
Au-delà du simple jeu sur les mots, la réflexion sur l’articulation entre les notions de formes et de vie constitue une bonne heuristique pour aborder, à partir de différents ordres de faits, des problèmes situés à l’interface entre le biologique et le social. En expliquant ce qui se forme – mais aussi se déforme, se transforme, se reforme, etc. –, à plusieurs niveaux de l’organisation des sociétés, on découvre comment l’inventivité humaine se manifeste dans les interactions avec les vivants, des êtres qui ne cessent eux-mêmes d’évoluer.
C’est en premier lieu l’obligation de rester chez soi qui a obligé à réfléchir à la morphologie sociale paradoxale qui, en quelques jours, s’est imposée au monde citadin – car c’est là où le contraste avec un état antérieur est le plus remarquable. Alors que les villes sont, par excellence, des lieux de concentration des populations, les règles de distanciation sociale font apparaître les unités de résidence comme des lieux où, en plus de la vie domestique, les individus tentent, vaille que vaille, de prolonger leur vie professionnelle et sociale. Tout est mis en œuvre pour surmonter la difficulté à coordonner des actions humaines lorsque chacun reste à distance de l’autre.
Le problème est à la fois très actuel, et pourtant très ancien – si ancien qu’il est au cœur de textes fondateurs de Durkheim et Mauss. Dans les Formes élémentaires de la vie religieuse et