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Le défi démocratique de l’Europe d’après-crise

Politiste

A l’initiative du Plan de relance, le semestre européen s’impose plus que jamais comme l’organe décisionnel de l’Union, reléguant le Parlement au second plan. Agissant sans contrôle démocratique réel, il promeut un savant mélange entre un agenda néolibéral de réformes structurelles des sphères publiques des États et une politique d’orientation des investissements privés visant à soutenir des marchés innovants. Ainsi, l’hypothèse d’une réorientation de la politique de l’Union favorable à un revival des États providence européens semble très peu probable…

C’est par une lettre des quatre grands groupes du Parlement européen adressée le mercredi 26 août à la Présidente de la Commission européenne et à la Chancelière allemande (dont le pays assure la Présidence de l’Union) que se sont ouvertes les tractations sur le Cadre financier pluriannuel (CFP) pour 2021-2027 comprenant le Plan de relance européen de 750 milliards d’euros tant attendu par les États membres. On peut penser que l’entrée en lice du Parlement européen dans le processus d’adoption de ce plan de relance ne sera pas vaine.

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Comme souvent dans le processus législatif européen, certaines concessions pourraient lui être faites comme celle précisant la conditionnalité à l’État de droit des aides versées aux États ou encore comme le partiel rétablissement de certaines coupes budgétaires concédées aux « frugaux » lors du Conseil européen marathon de juillet dernier.

Force est de constater néanmoins que le Parlement européen intervient bien tard et comme à la marge dans cette négociation du Plan de relance. Davantage : aucune des décisions cruciales européennes qui ont émaillé la crise n’a été initiée par lui. Selon un schéma désormais bien arrêté au sein de l’Union, il n’aura ici son mot à dire qu’a posteriori, une fois que les grands cadres auront été arrêtés dans d’autres enceintes européennes que la sienne (Conseil européen, Conseil ou BCE en tête). En six mois, la crise a bien bouleversé le visage de l’Union européenne ; mais le Parlement européen, lui, a été jusqu’alors relégué au second rôle de ces évolutions.

Pourtant, l’accumulation de décisions iconoclastes durant la crise sanitaire a été frappante. Elles auraient pu être l’occasion de faire montre de son activisme ou même de le renforcer. La crise semble en effet avoir emporté tel un tsunami les dogmes de l’Union les mieux établis. L’inconcevable s’est produit avec une facilité que seules les grandes catastrophes permettent. Les blocs de granit qui formaient l’assise de l’Union ont été soufflés un à un tels de vulgaires fétus.

Mais ce sont les bureaucraties nationales et européennes, qui ont été seules à la manœuvre : le pacte de stabilité, cette pierre de touche de l’austérité bruxelloise ? Suspendu par les gouvernements, sine die, du jour au lendemain par le biais d’une clause dérogatoire générale. L’Union de transfert, ligne rouge absolue du gouvernement allemand depuis 1992 ? C’est la chancelière allemande qui l’a mise sur la table des négociations. La solidarité financière entre les cigales du sud et les fourmis du nord, impensable il y a 6 mois à peine ? Sur les rails de ce fameux plan de relance négocié par les gouvernements sans que son principe n’en soit plus discuté. La sacro-sainte politique européenne de la concurrence, sur laquelle s’est bâtie la Communauté européenne ? Encadrée de manière à ce que les États puissent sans entraves renflouer leurs fleurons en difficulté. Pire. C’est sa plus farouche desservante, la Commissaire Margrethe Vestager, qui en propose désormais la profonde réformation !

A l’issue de cette crise, Rome n’est plus dans Rome et l’on entend peu à ce stade ceux qui pensaient que l’Union était cet ensemble institutionnel sclérosé et irréformable qui exigeait que l’on s’en extraie sous peine d’y perdre son âme. Mais quant au parlement européen, l’élément démocratique de l’Union, son rôle aura été particulièrement effacé durant toute cette séquence cruciale.

A l’opposé, il se pourrait que certains mécanismes européens centraux sortent au contraire confortés de cette période de gros temps : il en va ainsi du semestre européen, ce mécanisme d’orientation des politiques économiques et sociales des États et de l’Union, intronisé officiellement, à la faveur de la crise, comme gouvernement de l’Union. Or, ce mécanisme bureaucratique, qui apparaît plus que jamais central dans le pilotage économique et social de l’Union a justement pour caractéristique d’agir sans contrôle démocratique réel, parvenant à maintenir le Parlement européen à distance de la définition des politiques européennes et nationales, qu’il favorise. Pourtant, c’est sous sa surveillance, que les centaines de milliards du plan de relance actuellement discuté au Parlement européen, seront attribués aux États-membres.

Du reste, depuis sa création en 2011, ce semestre européen a déjà été éprouvé. Etendu progressivement aux politiques sociales et désormais central dans le verdissement et la digitalisation de l’économie européenne, le semestre promeut un savant mélange entre un agenda néolibéral de réformes structurelles des sphères publiques des États et une politique d’orientation des investissements privés visant à soutenir des marchés innovants. L’ancrage prévu du plan de relance dans le semestre européen rend donc très improbable l’hypothèse d’une réorientation de la politique de l’Union favorable à un revival des États providence européens, de leurs systèmes de santé publique et/ou d’un tournant keynésien de la zone euro. En revanche, parce qu’il emporte une orientation politique durable au-delà de la crise, ce gouvernement du semestre, n’ayant plus rien de furtif, doit désormais faire l’objet du contrôle adéquat, qu’une Union européenne démocratique exige.

L’Eurogroupe, organe décisionnel du semestre

Au centre du semestre, on trouve l’incontournable Eurogroupe. Le rôle de cet organe informel – sorti de la pénombre bureaucratique par Adults in the room de Yanis Varoufakis – est tellement considérable qu’il est difficile d’être exhaustif à son sujet : il coordonne la politique économique et budgétaire des États de la zone euro, surveille leurs équilibres macro-économiques, fait des recommandations économiques et sociales aux États et, le cas échéant, sanctionne les États en situation de déséquilibre ou ne respectant pas les règles budgétaires et/ou d’endettement ; « informel », il a été ainsi défini afin d’assurer le dialogue entre les gouvernements de la zone euro et la BCE, afin de ne pas officiellement remettre en cause l’indépendance de cette dernière. Dans sa version resserrée, on y trouve les ministres des finances des États de la zone euro, le Vice-président de la Commission, chargé des affaires économiques et financières (ECFIN) et le Président de la Banque centrale européenne.

Mais si l’on gratte un peu le vernis politique, on a tôt fait de mettre au jour, sous cette première couche, les linéaments d’une sorte d’« État profond européen ». En son sein, se présente d’abord son tout puissant comité préparatoire, le Groupe de travail euro du Comité économique et financier, composé, lui, du directeur général chargé des affaires économiques et financières de la Commission européenne (DG ECFIN), des directeurs du Trésor des États de la zone euro et de directeurs de la banque centrale européenne. Bref, le gratin des trésoriers, des financiers et des banquiers nationaux et européens.

Ce qu’il faut retenir de son organigramme prestigieux, c’est que l’Eurogroupe et le semestre européen recomposent deux espaces bureaucratiques censément opposés dans l’analyse classique, l’un européen, avec des fonctionnaires issus du pôle économique et financier de la Commission européenne, l’autre national avec des hauts fonctionnaires nationaux issus des ministères des finances des États-Nations (auquel on peut adjoindre selon un principe similaire les banquiers centraux nationaux et européens). C’est cette composition hybride entre le national et l’européen, qui fait la force sociale de cette institution dont la justification principale repose sur le rôle charnière qu’elle joue entre les deux niveaux d’administration, actuellement dans la coordination des plans de relance nationaux et européen.

Par analogie avec la distinction de Pierre Bourdieu, entre « main droite de l’État », composée des énarques provenant du ministère des finances ainsi que des banques publiques et privées et « main gauche » assurant « les fonctions sociales », composée des ministères dépensiers de l’éducation et des affaires sociales, ce complexe bureaucratique pilotant le Semestre européen constitue bien « la main droite de l’Union ». Or, in fine, c’est bien elle qui contribuera à orienter l’allocation des fonds du Plan de relance européen en validant l’ensemble des plans nationaux mis au point par les administrations financières des États membres. Laissé ainsi aux mêmes puissants acteurs des pôles financiers des États et de la Commission au niveau national et européen, il y a fort à parier que ce même gouvernement de l’Europe promeuve après la crise le même type de politique que celui qu’il promouvait avant la crise.

L’Eurogroupe dans la crise

Du reste, c’est cette « main droite de l’Union », qui aura piloté l’Europe au plus fort de la crise, apparaissant comme le maître d’œuvre de l’ensemble des solutions dégagées afin de contrer ses effets et engager désormais la relance au niveau européen. Sans barguigner, par gros temps, il est apparu comme l’unique et indiscutable capitaine fixant le cap du navire Europe.

C’est l’Eurogroupe qui, le 16 mars 2020, prend par exemple la décision majeure d’utiliser la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité. Le 9 avril, c’est également lui qui entérine la mise en place des trois premiers filets de sécurité d’un montant de 540 milliards en faveur des États, des entreprises et des travailleurs.

Lors de cette même réunion marathon des 7/8 et 9 avril, c’est encore dans son enceinte qu’est émise officiellement pour la première fois l’idée de la création d’un fonds de relance temporaire européen pour construire une économie « plus verte, plus résiliente et davantage axée sur le numérique ». C’est lui aussi qui est aux commandes de la négociation du plan de relance actuel, puisque, comme l’expliqua son amène président, « les ministres des finances [composant l’Eurogroupe] sont bien placés pour discuter des besoins d’investissements ». En tant que grand argentier de l’Union, l’Eurogroupe s’est donc imposé sans concurrent comme l’arène de négociation principale des instruments économiques et financiers visant à lutter contre les effets de la crise.

Enfin, last but not least, par l’intermédiaire du Semestre européen, il s’est en outre auto-défini comme le principal maître d’œuvre de l’implémentation de ce même plan de relance puisque la Facilité pour la reprise et la résilience comprenant 672,5 milliards de subventions et de prêts, est « ancrée dans le Semestre européen. ». C’est donc sous le contrôle du semestre européen et de l’Eurogroupe que s’effectuera l’utilisation de ces fonds et c’est lui qui indirectement au moins l’orientera.

Le gouvernement du semestre par sédimentations successives

Cependant, il n’y a là rien de nouveau sous le soleil. La crise actuelle confirme une tendance déjà à l’œuvre depuis sa création en 2011 selon laquelle le semestre européen aimante progressivement l’ensemble des institutions et des politiques des États membres et de l’Union, cette attraction se réalisant par sédimentations successives[1]. Au fur et à mesure de ce processus de centralisation et de concentration du pouvoir, les politiques menées au niveau national doivent répondre toujours plus finement aux attendus du semestre, sinon s’y conformer. Ce processus de « semestrialisation » est donc aussi un processus de mise sous le boisseau des politiques nationales vis-à-vis des objectifs primaires du semestre : consolidation budgétaire et stabilité macroéconomique et financière en tête.

Ce sont d’abord les politiques sociales des États, qui ont été attirées plus avant dans son giron. Toute une littérature a ainsi constaté la socialisation du semestre européen à partir de 2011, les recommandations du semestre préconisant aux États de plus en plus de réformes sociales, les indicateurs sociaux du monitoring macro-économique s’étoffant progressivement et enfin, cerise sur le gâteau en 2017, un tableau de bord social (social scoreboard) spécifique était créé comme corolaire du socle européen des droits sociaux.

Pourtant, cette « semestrialisation » des affaires sociales n’a pas développé la « main gauche » de l’Union. Bien au contraire. Amandine Crespy a montré que « le Semestre européen s’est concentré sur les réformes du marché du travail, qui constituent la proportion la plus importante de toutes les recommandations spécifiques par pays formulées depuis 2011 (de 18 à 30%), suivie par la réforme des pensions et des soins de santé (de 9 à 16%) ». Ces réformes s’appuient sur « la notion de réformes structurelles », « noyau dur de recettes de politiques publiques typiquement néolibérales ; libéralisation des marchés des biens et des services, déréglementations des marchés du travail, « rationalisation des systèmes de protection sociale et réforme de l’administration publique »[2].

Mesurant le contenu des recommandations sociales sur un continuum marchandisation/démarchandisation, Paul Copeland conclut, lui, que les réformes de la dimension sociale européenne visent en fin de compte à créer des marchés du travail purs et efficaces, selon les lois de l’offre et de la demande, s’accordant avec les postulats libéraux. Bref, l’entrée des questions sociales, de l’emploi, de la formation et de la santé dans la sphère d’influence du semestre européen se fait bien au prix de la subordination de leurs objectifs aux objectifs primaires de stabilité macro-économique et de consolidation budgétaire.

Or, l’actuel Pacte vert d’Ursula Von der Leyen poursuit ce processus de « semestrialisation » de la politique européenne. C’est ainsi que les objectifs de développement durable de l’ONU, devant guider la nouvelle stratégie économique de l’Union, seront intégrés au Semestre, « instrument complet de politique économique et de l’emploi ». C’est aussi lui qui orientera les aides financières de 150 milliards d’euros du mécanisme de transition juste vers une économie climatiquement neutre, fournissant aux États « des orientations spécifiques sur les domaines dans lesquels les réformes structurelles et les investissements en faveur d’un modèle économique plus durable et compétitif sont les plus nécessaires ».

Plus spectaculaire encore, à la fin de l’année 2019, la matrice même de la construction européenne, la politique phare de l’Union, le marché unique, a lui aussi été « semestrialisé » afin de souligner « l’importance de la mise en œuvre de réformes structurelles » pour « l’amélioration de [son] fonctionnement ». Parmi les réformes recensées, l’approfondissement de la concurrence sur le marché de l’énergie et de manière générale, « le constat que la réalisation de tout le potentiel du marché unique dépend de la mise en œuvre de réformes structurelles au niveau national ». Cette condition nationale à la réalisation du marché unique européen avalise désormais la légitimité du Semestre à accroître sa juridiction sur cette politique séminale.

Le plan de relance confirme donc ce processus de « semestrialisation » de l’Union. Outre sa pièce maîtresse, la facilité financière de 672,5 milliards, dont les aides seront distribuées dans le cadre du semestre, le plan propose par exemple de renflouer l’ensemble du Mécanisme de transition juste en allouant 10 milliards supplémentaires au fonds de transition juste distribués selon les préconisations du semestre européen.

Le déficit démocratique

Cette monopolisation des politiques nationales et européennes par le semestre ne va pas sans poser question. Derrière les réformes structurelles qu’il promeut, tout le monde s’accorde à voir un programme politique fort. Et la période post-crise que l’on entame, caractérisée par la relance, n’y change pas grand-chose. Tout porte à croire que la continuité prévaudra. C’est ce que démontrent par exemple les satisfecits accordés encore par l’Eurogroupe le 11 juin dernier au gouvernement libéral de Mitsotakis, le félicitant des progrès accomplis dans le vaste plan de privatisation du pays, mené par l’Agence grecque des privatisations (HRDAF).

Dans ces conditions, se pose de manière urgente la question du contrôle démocratique de ce gouvernement. Sans doute la Commission semble-t-elle concernée par l’absence visible de contrôle sur ce gouvernement consolidé. Dans une communication de novembre 2019, elle annonçait une fois encore un nouveau dialogue avec les parlementaires européens afin de renforcer « l’écoute » du « Parlement européen » sur les questions de gouvernance économique. Les membres de la Commission en charge des dossiers économiques se présenteront devant le Parlement européen avant chaque étape importante du cycle du Semestre européen. Quant aux parlements nationaux, aux partenaires sociaux et à tous les autres acteurs concernés, ils sont incités à participer au dialogue que la Commission engage avec les États.

Cette prise de conscience n’est cependant pas exempte d’hypocrisie et se fonde sur une théorie démocratique dérogeant même aux plus faibles standards nationaux. Le semestre en action est diffus, furtif, désincarné et donc…insaisissable, certes. Mais son organe décisionnel en est incontestablement l’Eurogroupe. Il n’est plus tolérable qu’il demeure officiellement informel. Au début du mois de juillet, son nouveau président, Paschal Donohoe, a été élu à la majorité des 19 États de la zone euro représentant 17% de citoyens de la zone euro contre une candidate qui avait, elle, obtenu 83% de ces voix (mais une minorité d’États), défiant tous les principes démocratiques. C’est pourtant sur l’ensemble des citoyens européens que les décisions qu’il s’apprête à prendre vont peser directement.

L’Eurogroupe doit désormais assumer clairement devant eux la responsabilité des politiques qu’il promeut et qui influent sur les vies quotidiennes de tous les citoyens européens. Responsable certes. Mais devant quels organes ? La Commission affirme qu’il doit rendre des comptes à la fois aux parlements nationaux et au Parlement européen. C’est reconnaître son hybridité entre l’européen et le national, entre les institutions européennes (Commission, Banque centrale…) et les institutions des États membres, entre les politiques nationales et européennes. Mais mieux. Pour que cette responsabilité soit effective et renforcée, l’Eurogroupe doit être responsable de manière solennelle et publique devant une assemblée mixte composée de parlementaires européens et de parlementaires nationaux, comme nous le proposions dans le T-dem, voilà 3 ans déjà [3]!


[1] G. Sacriste et A. Vauchez, « l’Euro-isation de l’Europe », Revue de l’OFCE, 2019, 4 :164, p. 4-56. https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/1-164OFCE.pdf

[2] A. Crespy, L’Europe sociale. Acteurs, politiques, débats, Editions de l’université de Bruxelles, 2019.

[3] Stéphanie Hennette, Thomas Piketty, Guillaume Sacriste et Antoine Vauchez, Pour un traité de démocratisation de l’Europe, Le Seuil, 2017 et https://aoc.media/opinion/2018/12/17/democratiser-institutions-politiques-de-lunion-europeenne/

Guillaume Sacriste

Politiste, Maître de conférence à l’Université Paris 1-Sorbonne

Rayonnages

Union européenne

Notes

[1] G. Sacriste et A. Vauchez, « l’Euro-isation de l’Europe », Revue de l’OFCE, 2019, 4 :164, p. 4-56. https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/1-164OFCE.pdf

[2] A. Crespy, L’Europe sociale. Acteurs, politiques, débats, Editions de l’université de Bruxelles, 2019.

[3] Stéphanie Hennette, Thomas Piketty, Guillaume Sacriste et Antoine Vauchez, Pour un traité de démocratisation de l’Europe, Le Seuil, 2017 et https://aoc.media/opinion/2018/12/17/democratiser-institutions-politiques-de-lunion-europeenne/