International

L’agonie du « consociativisme » libanais

Politiste

Le Liban sombre encore un peu plus dans la crise depuis la démission du premier ministre Mustapha Adib, qui s’est révélé incapable de former un gouvernement. Par-delà les clivages autour du Hezbollah, par-delà les scandales de corruption, c’est tout un système politique qui est à l’agonie : le « consociativisme », philosophie du partage du pouvoir censée garantir la représentation politique à toutes les communautés religieuses. Depuis une trentaine d’années elle ne fonctionne plus, pour des raisons multiples qu’il faut à présent éclairer.

Des tensions politiques successives allant jusqu’à paralyser les institutions étatiques et reporter régulièrement les échéances électorales, une corruption répandue à tous les niveaux de l’administration, une croissance économique négative, une dette publique estimée à plus de 150% du PIB, des banques (où 1 % des dépositeurs détiennent 50 % des dépôts) aux abois, une hyperinflation, une moitié de la population appauvrie, un taux de chômage dépassant les 40 % et des réfugiés palestiniens et syriens dans la misère : le Liban sombre dans les abîmes et n’a plus les moyens de s’en remettre.

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Ni le soulèvement populaire d’octobre 2019 contre la classe politique, pourtant porteur d’espoir, ni la démission du « gouvernement d’urgence » formé en janvier 2020, dont la médiocrité face aux grands défis était l’incarnation même de ce qu’est devenue la gestion du pays, n’ont réussi à freiner cette descente aux enfers.

L’initiative française et les deux visites d’Emmanuel Macron à Beyrouth en un mois, tentant un sauvetage in extremis par une aide humanitaire doublée d’une financière et technique (conditionnée), ne semblent pas non plus pouvoir renverser la donne. Et le nouveau premier ministre, Mustapha Adib, désigné fin août en marge de cette initiative française pour mettre en place un gouvernement de mission, a abdiqué. Incapable de composer avec les exigences des forces rivales cherchant à contrôler les ministères clés, notamment le ministère des finances, il a reconnu l’échec de ses efforts et a démissionné.

Car si les divisions politico-confessionnels ainsi que le dilemme des armes du Hezbollah et de son alliance organique avec l’Iran sont en partie responsables de la situation actuelle et du blocage institutionnel en cours, et si la majorité des membres de la classe dirigeante (et résiliente) défend jusqu’au bout les réseaux de corruption et de clientélisme qu’elle entretient et nourrit depuis les années 1990, il est néanmoins clair que le système politique libana


Ziad Majed

Politiste, Professeur à l’université américaine de Paris