L’économie est une affaire trop grave pour la laisser aux (seuls) économistes
La récente épidémie de Covid-19 a traversé comme une lame de fond la société mondialisée, mettant en péril ce qu’il est convenu d’appeler son « économie ». Elle a suscité en retour une abondante littérature dénonçant le règne de cette économie sur nos vies. Celle-ci a été associée aux figures du productivisme, de l’utilitarisme, du mouvement irraisonné des hommes et des biens. La crise sanitaire a été en conséquence présentée comme un avant-goût d’une plus grave encore crise écologique qui nous menace, en conséquence de la gabegie planétaire de l’économie mondialisée.
En réponse, on a appelé à plus de modération dans la consommation, à la limitation des échanges, aux circuits courts, à l’autoproduction, que le confinement, imposé un peu partout sur la planète, favorisait provisoirement. La Providence nous envoyait donc, dans notre malheur, un signal de sagesse. Contre l’économie dévorante, on a appelé au retour des « vraies valeurs », celles de l’humain, de la vie, de la santé et de la solidarité que le règne du veau d’or aurait fait oublier.
Il y aurait beaucoup à dire sur tout cela, philosophiquement et factuellement. Je voudrais seulement ici tirer un fil, au risque d’embrouiller un peu plus la pelote. N’est-il pas curieux qu’un combat idéologique en faveur de plus de modération prenne, précisément, l’économie comme adversaire ? N’appelle-t-on pas en effet à « économiser » nos ressources, notre temps, notre énergie morale ? N’est-il pas curieux, aussi, que l’on oppose ainsi l’économie à l’écologie, termes dont on voit bien qu’ils sont étymologiquement proches ? Les mots ne font pas le monde et la dérive sémantique peut conduire à l’emploi dans des sens différentiés, voire opposés, d’une même racine. Pourtant, cette incongruité mérite qu’on s’y arrête, car, on le verra, la question n’est pas que philologique, mais bien aussi épistémique.
Loin d’être le problème, l’économie ne serait-elle pas, finalement, la solution du problème posé sous son nom ?
« Eco