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Biélorussie, une résistance civile aux accents révolutionnaires

Politiste

Depuis plus de deux mois, le peuple biélorusse s’insurge contre le président Alexandre Loukachenko, réélu sur fond de fraudes inouïes. Face aux violences commises par les forces de l’ordre, les protestataires choisissent la voie de la résistance civile, comme l’attestent notamment les grandes manifestations mais aussi d’autres formes d’actions collectives aussi ingénieuses les unes que les autres. Bien que fondamentalement pacifique, ce mouvement peut-il aboutir à une situation révolutionnaire ?

Depuis plus deux mois, la société biélorusse se révolte contre le président Alexandre Loukachenko, qui, le 9 août dernier, briguait un sixième mandat. L’usage disproportionné et arbitraire de la violence par les forces de l’ordre pour disperser et dissuader les manifestants a choqué la société et provoqué une protestation massive. Celle-ci s’apparente à une résistance civile qui, malgré les obstacles, dispose d’une grande capacité d’adaptation et de création.

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Les élections sont fréquemment contestées en Biélorussie. En 2020, l’usure du pouvoir de Loukachenko – qui vient de gérer, à la légère la pandémie de Covid-19 – se combine avec l’émergence de nouvelles personnalités politiques, dont la popularité, jugée menaçante, entraîne leur exil ou leur arrestation. Svetlana Tikhanovskaïa, femme d’un candidat emprisonné, voit sa candidature validée. Son objectif est, après sa victoire, d’organiser des élections libres. Ses meetings électoraux sont très suivis. Les résultats officiels lui concèdent 10,2 % des voix contre 80,2 % pour son adversaire.

Les fraudes électorales sans précédent incitent les Biélorusses à descendre dans la rue. Pour prévenir les rassemblements, les transports en commun sont stoppés, internet est coupé. La protestation s’étend des quartiers périphériques, habituellement passifs, vers le centre des villes – dont Minsk, la capitale. Dès le 9 août au soir, la répression par les forces de l’ordre est violente et arbitraire avec de nombreux passages à tabac, des dizaines de blessés, des milliers d’arrestations et un mort. Elle se poursuit sur plusieurs jours jusqu’à ce qu’Internet, une fois rétabli, permette la circulation de l’information (témoignages sur les tortures et images de corps frappés). La colère gagne plusieurs segments de la population qui manifestent contre la violence : le corps médical, les étudiants, les entrepreneurs du secteur numérique, les ouvriers… Quant à Svetlana Tikhanovskaïa qui, le 11 août, va déposer une plainte pour


[1] Semelin Jacques, Face au totalitarisme. La résistance civile, André Versaille éditeur, 2011.

[2] Shparaga Olga, « L’énergie sociale que connaît la société biélorusse débouchera sur la fin de l’autoritarisme », entretien avec Michel Eltchaninoff, Philosophie Magazine, 13 octobre 2020.

[3] Pleyers Geoffrey, Glasius Marlies « La résonance des “mouvements des places” : connexions, émotions, valeurs », Socio, n°2, pp. 59-80, 2013.

[4] Tilly Charles, Les révolutions européennes 1492-1992, Éditions du Seuil, 1993.

Alexandra Goujon

Politiste, Maître de conférence en science politique à l'université de Bourgogne

Notes

[1] Semelin Jacques, Face au totalitarisme. La résistance civile, André Versaille éditeur, 2011.

[2] Shparaga Olga, « L’énergie sociale que connaît la société biélorusse débouchera sur la fin de l’autoritarisme », entretien avec Michel Eltchaninoff, Philosophie Magazine, 13 octobre 2020.

[3] Pleyers Geoffrey, Glasius Marlies « La résonance des “mouvements des places” : connexions, émotions, valeurs », Socio, n°2, pp. 59-80, 2013.

[4] Tilly Charles, Les révolutions européennes 1492-1992, Éditions du Seuil, 1993.