De la crise du capitalisme financier à celle de l’État néolibéral : la Covid-19
Les disciplines, tant l’économie que l’épistémologie, sont questionnées lors des grandes crises qui mettent en évidence l’incapacité des paradigmes dominants à rendre compte d’une situation réputée sans précédent par les contemporains. Dans la mesure où les représentations savantes jouent un certain rôle dans la formation et la justification des politiques économiques, ces épisodes sont aussi caractérisés par le désarroi des décideurs publics et privés.
L’irruption de la Covid-19 apparaît comme un analyseur tant de l’évolution des capitalismes de plateforme contemporains que des obstacles que rencontre la doxa des politiques économiques et sociales, façonnées par la victoire des idées néolibérales. Alors même que la plupart des gouvernements s’avèrent incapables de maîtriser la seconde vague de la pandémie, une analyse historique et comparative permet d’ores et déjà d’avancer hypothèses et interprétations.
1. La crise sanitaire ouverte en 2020 n’a pas de relation avec celle de 1929
Macro-économistes et conjoncturistes ont été impressionnés par l’ampleur de la chute de la production lors du second trimestre de 2020, qu’ils ont comparée avec celle observée lors de la crise de 1929. Or cette comparaison, au demeurant incertaine tant que les données de comptabilité nationale pour 2020 ne seront pas définitives, ne considère pas les profondes différences entre 1929 et 2020 en termes d’origine, de déroulement et probablement de sortie des deux crises.
En fait, la crise de l’entre-deux-guerres, tant aux États-Unis qu’en France, marque l’éclatement d’une bulle spéculative qui dissimulait le déséquilibre structurel d’un régime de croissance caractérisé par une explosion de la production de masse sans la contrepartie d’une consommation elle-même de masse, car l’évolution des salaires réels n’avait pas suivi la croissance des gains de productivité du travail.
À partir de mars 2020, la surprenante vitesse de diffusion de la Covid-19 finit par saturer la capacité des