La ville en état de crise sanitaire
Les cataclysmes qui menacent aujourd’hui l’humanité, du réchauffement climatique à la pandémie en passant par le terrorisme, ne sont pas très différents des fléaux bibliques. Ils sont largement interdépendants et entraînent des dégâts collatéraux en cascades, à peu près dans tous les domaines. Un peu comme un convive mal élevé qui, en s’effondrant raide mort, entraînerait la nappe et ferait tout tomber.
Nous nous intéressons ici à l’une des victimes collatérales de l’actuelle pandémie : la ville, une victime à la fois visible et invisible. Autant sa présence est massive, autant ses enjeux passent massivement inaperçus, sont impensés. En effet, si les menaces que font peser les catastrophes écologiques sur notre survie physique sont parvenues jusqu’à notre conscience, soulevant manifestations et rébellions, il en va autrement des menaces que fait peser l’extinction de la ville sur notre survie psychique, sociale et civilisationnelle : elles ne mobilisent pas les foules.
Pourtant, de la grande ville jusqu’au hameau, par son organisation très spécifique, fondée sur des invariants, la ville constitue l’habitat naturel des humains. Sa forme n’est pas seulement liée à l’organisation sociale, elle en est la partie émergée, la matérialité visible. Une part de la tranquillité, du sens et de la saveur de notre vie réside dans nos conditions urbaines. La mise en péril, volontaire ou non, de la ville est une question vitale et proprement écologique, ni plus ni moins urgente que les autres.
Cette mise en péril n’est pas nouvelle et les attaques contre la ville ont connu de nombreux motifs : moralistes, hygiénistes, fonctionnalistes, etc. Certes, la plus massive a été portée par l’urbanisme du Mouvement Moderne aux commandes depuis le milieu du XXe siècle ; certes, le cocktail actuel d’opérations urbaines financiarisées hors d’échelle et d’un zoning toujours en place peut sembler suffisamment létal… mais l’hygiénisme, très actif depuis le XIXe siècle, n’a pas dit son d