Rwanda-France : au plus près de la matérialité du génocide des Tutsi
Sur les collines du Rwanda, entre avril et juillet 1994, un million d’hommes, de femmes et d’enfants périrent au nom d’une utopie politique visant à refonder la pureté d’une nation enfin débarrassée d’une minorité Tutsi considérée comme traitresse et assoiffée de pouvoir. S’imaginant menacés dans leur existence même, les extrémistes hutu enclenchèrent à partir du 7 avril 1994 une campagne de massacres d’une efficacité extrême. Or, c’est précisément cette efficacité qui forme le cœur du questionnement historique. Comment rendre compte des dynamiques criminelles ayant conduit à la mort d’un million de victimes en un temps aussi bref ?
Loin des caricatures dépeignant le dernier génocide du XXe siècle comme l’ultime manifestation d’un antagonisme ethnique immémorial ou d’un accès de folie collective, les logiques implacables à l’œuvre sur les collines du Rwanda au printemps 1994 témoignent au contraire de la sophistication de son organisation. Les contours précis de cette préparation, inutile d’en chercher trace dans un document unique, daté, paraphé et consignant l’ordre d’extermination, selon un fantasme de l’archive irrévocable dont les négationnistes brandissent l’absence pour alimenter le soupçon. Les mécanismes impitoyables de la politique d’extermination mise en place au Rwanda se donnent à voir au cœur même de son exécution, pour peu que l’on consente à examiner au plus près la diversité des acteurs engagés dans la violence, les modalités de mise à mort, les gestes et les mots de la cruauté infligés au corps des victimes. Observer le génocide des Tutsi depuis la matérialité de son accomplissement sur les collines permet non seulement de mettre au jour la puissance performative des imaginaires racistes, mais également de repérer les réseaux locaux de mobilisation des tueurs aux échelons les plus modestes du pouvoir.
Objet central des projections racistes coloniales et missionnaires, le corps Tutsi censé refléter par sa beauté la supériorité d’une race