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Régularisations massives de sans-papiers : ambition américaine et frilosité européenne

Politiste

Malgré les atermoiements de Joe Biden cette semaine, qui a d’abord annoncé le maintien du plafond historiquement bas de réfugiés établi par Donald Trump avant de se rétracter face au tollé dans son propre camp, le président des États-Unis a finalement maintenu le cap d’une politique migratoire en rupture avec l’ère précédente. La loi US Citizenship Act of 2021 proposée au Congrès dès le 20 janvier 2021 a ainsi fait le choix de la régularisation massive, contre l’idée répandue en Europe selon laquelle, en période de crise, il faudrait éloigner les sans-papiers.

Le nouveau président américain a décidé de tracer sa propre voie en faisant des choix politiques inédits sur l’immigration. Avec le projet de loi « US Citizenship Act of 2021 », proposé au Congrès dès son investiture le 20 janvier 2021, Joe Biden forge un modèle de programme de régularisations massives de sans-papiers qui fera date.

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L’importance politique et les enjeux de cette offre programmatique démocrate est ici analysée. Cet Act signe en effet le retour des régularisations massives de sans-papiers dans les démocraties occidentales. Biden accorde une attention particulière à toutes les sous-catégories du « peuple de clandestins ».

L’ampleur inédite des stocks de personnes régularisables en fait un acte politique historique, qui bouscule le dogme selon lequel la mauvaise santé de l’économie gèle les régularisations. Biden avance à contrecourant et brise ce dogme des sociétés capitalistes, marquées par une vision instrumentale de l’immigration clandestine. Le choix américain questionne l’Europe, qui a inventé et pratiqué les régularisations massives des décennies durant, avant de s’en éloigner considérablement. La pandémie de la Covid-19 rappelle à l’ordre humanitaire et démocratique : au-delà du saupoudrage italien et portugais, l’Europe doit se faire à l’idée d’un retour des régularisations massives.

La décision historique du président démocrate

Trois faits majeurs font de l’« US Citizenship Act of 2021 » une décision historique. D’abord, le stock des migrants illégaux, dix fois plus élevé aux États-Unis que dans l’Union européenne (UE). En effet, le stock des sans-papiers en UE est insignifiant. En 2008, entre 1,9 et 3,8 millions de « travailleurs clandestins » étaient présents sur le sol de l’UE. Ce chiffre représente entre 7 et 13 % des immigrants résidant, et seulement entre 0,39 % et 0,77 % de la population totale de l’UE. Ce stock est stable depuis une quinzaine d’années :
« Aujourd’hui [en 2020], environ 500 000 personnes sans-papiers sont prése


[1] Kevin Bales, Disposable People: New Slavery in the Global Economy, Updated with a New Preface. University of California Press, 2012.

[2] Sur ce point, voir mon enquête au milieu des travailleurs sans-papiers sur un chantier parisien dans Les Étrangers illégaux à la recherche de papiers, préface de Catherine Wihtol De Wenden,  Éditions L’Harmattan, 2008.

[3]Sur ce point, suivre mes analyses dans Expulser les sans-papiers d’Europe. États répressifs et nécessité du maintien en démocratie, éditions Karthala, 2019.

Ange Bergson Lendja Ngnemzué

Politiste, Docteur en sciences politiques et en philosophie

Mots-clés

Sans-papiers

Notes

[1] Kevin Bales, Disposable People: New Slavery in the Global Economy, Updated with a New Preface. University of California Press, 2012.

[2] Sur ce point, voir mon enquête au milieu des travailleurs sans-papiers sur un chantier parisien dans Les Étrangers illégaux à la recherche de papiers, préface de Catherine Wihtol De Wenden,  Éditions L’Harmattan, 2008.

[3]Sur ce point, suivre mes analyses dans Expulser les sans-papiers d’Europe. États répressifs et nécessité du maintien en démocratie, éditions Karthala, 2019.