Société

20 ans après : Loft Story comme révélateur de la « culture de la surveillance »

Enseignant-Chercheur en info-com

Ce lundi 26 avril marque les 20 ans de l’émission Loft Story, début de l’importation de la téléréalité en France. Ce reality show, où le spectateur assiste et participe à l’enfermement des candidats, témoigne d’un moment historique particulier où la culture de la surveillance s’est révélée aux yeux de tous. Tout converge vers la réalisation de ce fantasme de mise en spectacle de la surveillance et de mise sous surveillance du spectacle.

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La conception commune que l’on se fait de la surveillance comme phénomène social reste encore très largement associée à un fonctionnement vertical et descendant : relatif au contrôle social et/ou pulsionnel de la population.

L’hypothèse récente de Shoshana Zuboff sur le « capitalisme surveillanciel » opère la synthèse entre ces deux formes d’assujettissement sous le nom de « coup des gens », qu’elle décrit comme un « coup d’État » organisé par la capture des « textes invisibles » que, connectés, les « gens » livrent sous forme de données à même les interfaces et les plateformes qui les exposent. Cette approche est heuristique bien sûr en ce qu’elle prolonge et met à jour les grandes théories techno-critiques du vingtième siècle sur le Gestell (de Heidegger), sur l’industrie culturelle (d’Adorno et Horkheimer), sur l’unidimensionnalité (de Marcuse) ou, plus récemment, sur l’économie de l’attention.

Toutefois, cette focalisation sur la seule coordonnée top-down occulte un pan considérable des théories et des enjeux de la surveillance telle qu’elle se vit actuellement. Elle sous-évalue notamment ce qui est plus important que l’économie des plateformes comme unique explication des logiques en jeu, à savoir le fait que, dans les pratiques et les représentations, la surveillance s’est progressivement installée au cours du 20e siècle comme une « culture ».

Et c’est là que Loft Story trouve sa place historique. Non pas comme une origine, ni comme une matrice, encore moins comme une arché. Mais comme un moment de révélation de cet ensemble d’expériences, de dispositifs et de regards médiatiques partagés qui dessinent les nouveaux contours de la « surveillance vécue », c’est-à-dire d’une surveillance subie et agie, consommée et performée.

Les leçons du Loft

Ce qui est intéressant avec ce qu’on appelle en France « téléréalité » et qui s’abrite sous l’appellation plus large ailleurs de reality show, c’est qu’elle permet de dater le moment où, dans l’espace public et m


Olivier Aïm

Enseignant-Chercheur en info-com, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication à Sorbonne Université