Le pro bono : une privatisation de l’intérêt public ?
Le 23 décembre dernier, la présence d’un consultant du groupe McKinsey lors d’une visioconférence du ministre de la Santé Olivier Véran au sujet de la campagne de vaccination contre la Covid-19 a jeté la lumière sur ce cabinet de conseil en stratégie et sur son rôle de conseiller du gouvernement dans le cadre de cette campagne.

Le fait que ce consultant prenne la parole, aux côtés du ministre et devant les directeurs des agences régionales de santé (ARS), pour expliquer la stratégie vaccinale de l’exécutif a suffisamment ému pour qu’Olivier Véran soit interrogé à ce sujet, en janvier, par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. La presse nationale s’est ainsi fait l’écho de cette controverse en documentant l’action parfois occulte du groupe surnommé « La Firme [1] ».
Les conseils que ce cabinet a prodigués au gouvernement dans le cadre de sa stratégie vaccinale ont été facturés, McKinsey ayant empoché, à cette occasion, plus de trois millions d’euros. Mais cet acteur majeur du domaine du consulting officie aussi pro bono, c’est-à-dire gratuitement.
Dans l’enquête qu’il a consacrée à « La Firme » pour M Le magazine du Monde, François Krug rapporte ainsi que celle-ci, comme le cabinet Accenture, ont, en 2007 puis en 2010, mis à disposition de la commission Attali (chargée par le président Nicolas Sarkozy de proposer des solutions pour relancer la croissance en France) plusieurs de leurs consultants. C’est à cette occasion qu’Emmanuel Macron, alors inspecteur des finances, rencontre Karim Tadjeddine, aujourd’hui associé au bureau parisien de McKinsey en charge du secteur public. Les « MacronLeaks » avaient par ailleurs révélé qu’une vingtaine de salarié·es de ce même cabinet travaillaient pro bono pour l’équipe de campagne du candidat Macron.
Au-delà du cas très scruté de McKinsey, le pro bono s’inscrit dans un ensemble de pratiques par lesquelles les entreprises soignent leur capital symbolique, ce que les acteurs économiques appellent