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Tanger, 8 février 2021 : derrière le drame industriel, la mondialisation

Sociologue

Longtemps délaissée par les pouvoirs publics, la ville de Tanger a trouvé sa place dans la mondialisation en devenant le second pôle industriel du Maroc. Le secteur informel n’a néanmoins pas disparu de la région. La branche de la confection, pointée du doigt après le terrible accident survenu le 8 février, a même repris la structure de la première industrialisation : celle du « système de la sueur », où le petit patronat local se fait le sous-traitant d’une main d’œuvre surexploitée et non protégée.

Le 8 février dernier, un drame a marqué la ville de Tanger. À la suite de pluies torrentielles, un atelier de confection installé dans la cave d’un quartier d’habitation de la ville a été inondé [1]. Vingt-neuf personnes sont mortes noyées ou par électrocution. Sur ces vingt-neuf personnes, deux seulement avaient été déclarées à la CNSS, la sécurité sociale marocaine.

L’entreprise qui les employait avait été créée en 2017 par un ancien ouvrier âgé de trente-cinq ans. Elle était régulièrement inscrite au registre du commerce. Mais l’atelier lui-même était en activité, sous une autre raison sociale, depuis quinze ans. La construction du lotissement où se trouvait l’immeuble avait été autorisée dans les années 1990, en dépit du caractère inondable de la zone, par la commune d’El Aouma, qui n’avait pas encore alors été rattachée à la municipalité de Tanger. Le permis de construire, délivré en 1996 par la commune de Bni Makada, ne comportait pas l’autorisation de construction d’une cave.

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Le propriétaire de l’entreprise ne disposait pas non plus de l’autorisation d’une exploitation commerciale des locaux. Survivant du drame, il a été inculpé d’homicide involontaire et incarcéré. Son procès s’est ouvert à Tanger le 20 mai [2].

Au-delà du drame, il importe de comprendre dans quel contexte industriel et social s’inscrit un tel accident. Tanger, qui compte aujourd’hui plus d’un million d’habitants, est devenu en l’espace de vingt ans le deuxième pôle industriel du pays après Casablanca. Avec sa vieille ville pittoresque, son grand-port de porte-conteneurs, aujourd’hui le premier d’Afrique en tonnage, sa grande usine Renault, ses dizaines de milliers d’emplois industriels dans les zones franches, cette ville est une vitrine du Maroc. Comment expliquer cette face sombre ?

En 2011, le film Sur la planche, de Leïla Kilani, montrait des jeunes filles travaillant dans des conditions pénibles et insalubres dans une usine de décorticage de crevettes sur le vieux port de Tan


[1] Tous les éléments qui suivent sont issus de l’article de Kenza Kathla, « Des infractions administratives et urbanistiques à l’origine du drame de Tanger », Médias 24, 9 et 13 février 2021.

[2] Said Kadry, « Drame de Tanger : écroué, le propriétaire de l’atelier de textile poursuivi pour homicide involontaire », Le 360, 17 février 2021 ; « Drame de l’atelier de textile de Tanger : le procès du propriétaire démarre le 20 mai », Le 360, 13 mai 2021.

[3] Mohamed Chakir Alaoui, « Drame de Tanger : des commissions de contrôle se déploient dans les zones industrielles de Salé », Le 360, 9 février 2021 ; Hassan Benadad « Drame de Tanger : les autorités de Casablanca ferment des dizaines de petites unités industrielles », Le 360, 11 février 2021.

François Vatin

Sociologue

Notes

[1] Tous les éléments qui suivent sont issus de l’article de Kenza Kathla, « Des infractions administratives et urbanistiques à l’origine du drame de Tanger », Médias 24, 9 et 13 février 2021.

[2] Said Kadry, « Drame de Tanger : écroué, le propriétaire de l’atelier de textile poursuivi pour homicide involontaire », Le 360, 17 février 2021 ; « Drame de l’atelier de textile de Tanger : le procès du propriétaire démarre le 20 mai », Le 360, 13 mai 2021.

[3] Mohamed Chakir Alaoui, « Drame de Tanger : des commissions de contrôle se déploient dans les zones industrielles de Salé », Le 360, 9 février 2021 ; Hassan Benadad « Drame de Tanger : les autorités de Casablanca ferment des dizaines de petites unités industrielles », Le 360, 11 février 2021.