Covid, Brexit et Irlande du Nord : l’ironie du sort
Le 7 avril dernier, sur Shankill Road à Belfast et sous les applaudissements de résidents, des adolescents cagoulés se dirigent vers le mur qui sépare un quartier « Protestant » d’un district « Catholique » voisin. À l’interface entre ces deux zones, ils lancent des cocktails Molotov sur un bus et son conducteur. S’en suit l’intervention de la police et d’habitants catholiques nationalistes. L’évènement s’est soldé par l’incendie du bus, des barricades et des combats et a porté à plus de 90 le nombre total de policiers blessés.

Cela faisait alors plus de trois semaines que des émeutes agitaient certains quartiers défavorisés de l’Irlande du Nord et qu’elles étaient attribuées à la communauté protestante unioniste. Face au « pourquoi » de ces violences, les journalistes nous renvoient à une pluralité de causes politiques qu’ils peinent à démêler : le Brexit, la crise sanitaire, le mauvais travail de la police, l’influence encore marquée de groupes paramilitaires, des inégalités de classes ou des conflits géopolitiques. Non seulement ces révoltes sont incompréhensibles si on les regarde de façon isolée, mais c’est même sur le lien ambigu entre différents processus sociaux de long cours que portent les revendications populaires.
À l’heure où la Première ministre Arlène Foster s’apprête à démissionner, les insatisfactions continuent de se faire plus criantes dans la région. Prendre un recul sociologique, c’est alors s’interroger sur la façon dont l’évolution des rapports entre groupes sociaux en Irlande du Nord a mené à un renforcement contemporain des contradictions dont ils font l’expérience, favorisant ces manifestations violentes populaires. Cela demande d’abord de suivre la façon dont les Nord-Irlandais s’expliquent à eux-mêmes l’apparition de telles violences, et ce à quoi ils se heurtent alors.
Les effets de restrictions, d’un divorce et d’un rendez-vous manqué
De tels évènements sont d’abord attribués par les commentateurs nationaux aux suites de restr